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L'enfer des copropriétés à deux.

Ce type de copropriété est, par essence, l’antithèse des règles posées par le statut de la copropriété visant le bon fonctionnement d’un immeuble en propriété collective.

 

En effet, la doctrine, depuis de nombreuses années, a émis, unanimement la volonté, que ces petites copropriétés, comme les très grands ensembles immobiliers, soient soumis à des statuts différents de celui prévu par la loi du 10 juillet 1965.

 

Cependant, en l’état actuel des textes, lorsqu’une copropriété ne comprend que deux personnes, les copropriétaires doivent néanmoins se réunir en assemblée conformément aux dispositions de ce statut.

 

La difficulté en la matière est connue, lorsque la copropriété n’existe qu’entre deux personnes, aucune majorité ne peut se dégager en cas de désaccord. La situation qui en découle est un blocage rendant l’intervention judiciaire inévitable.

 

Existe-t-il une alternative à cette intervention judiciaire ? Malheureusement non.

En effet, beaucoup de copropriétaires ont imaginé contourner les règles de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 en procédant à des ventes ou des cessions frauduleuses à des comparses ou amis en vue de faire disparaître, en apparence seulement, la majorité dont dispose un copropriétaire ou encore un équilibre précaire entre deux copropriétaires.

 

 

La jurisprudence est malheureusement fixée en la matière et sanctionne systématiquement ces manœuvres en annulant tout d’abord les décisions qu’elles auraient permis d’obtenir ( CA Aix en Provence 21 octobre 1971, AJPI 1972 II p431) puis plus récemment en prononçant la nullité de la vente frauduleuse (Cass Civ 3ème 6 juillet 1982 Rev administrer avr 1983 p.39).

 

Je vous propose, dès lors, d’examiner les différentes étapes du processus judiciaire sus évoqué.

 

S’agissant de la convocation à une assemblée générale en l’état d’une carence de syndic :

 

Nous partons du postulat, que cette petite copropriété, n’a, à ce jour, pas de syndic désigné.

Dans ces conditions très précises, il faut se référer aux dispositions de l’article 17 de la loi du 10 juillet 1965 suite à sa modification par la loi MACRON du 6 août 2015.

 

En effet le dernier alinéa de cet article précise que :

 

« Dans tous les autres cas le syndicat est dépourvu de syndic, l’assemblée générale des copropriétaires peut être convoquée partout copropriétaires, aux fins de nommer un syndic. À défaut d’une telle convocation, le président du tribunal de Grande instance, statuant ordonnance sur requête à la demande tout intéressé désignait un administrateur provisoire de la copropriété qui est notamment chargée de convoquer l’assemblée des copropriétaires en vue de la désignation d’un syndic ».

 

Cette assemblée générale peut alors être convoquée par tout copropriétaire aux fins de nommer un syndic.

 

À défaut d’une telle convocation, il convient d’opérer selon modalités prescrites par l’article 47 du décret du 17 mars 1967 à savoir :

« Dans tous les cas, autres que celui prévu par le précédent article, où le syndicat est dépourvu de syndic, le président du tribunal de grande instance, statuant par ordonnance sur requête, à la demande de tout intéressé, désigne un administrateur provisoire de la copropriété qui est notamment chargé, dans le délai éventuellement fixé par l'ordonnance et sous réserve de l'application des dispositions de l'article 9 ci-dessus, de convoquer l'assemblée en vue de la désignation d'un syndic.

Les fonctions de cet administrateur provisoire cessent de plein droit à compter de l'acceptation de son mandat par le syndic désigné par l'assemblée générale. »

 

La désignation de cet administrateur provisoire, qui s’opère par voie de requête, peut être diligentée par tout intéressé, donc par un des deux copropriétaires et ce sans conditions de tantièmes.

 

La difficulté est maintenant, une fois cette assemblée générale convoquée, de déterminer sous quelles conditions peut intervenir le vote.

 

S’agissant de l’élection du syndic au cours de cette « première » assemblée générale :

 

Vous n’êtes pas sans savoir qu’au sein d’une assemblée générale, la prise de décision s’effectue selon différentes conditions de majorité, allant de la majorité des copropriétaires présents ou représentés à l’unanimité, et ce en fonction de l’importance des questions envisagées.

 

Il est évident que dans une telle copropriété, la présence de deux copropriétaires se partageant l’intégralité des tantièmes, sauf consensus sur le vote des résolutions, bloquera nécessairement la prise de décisions.

 

S’agissant de la question de l’élection du syndic, l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 précise clairement que ce dernier est désigné par l’assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires.

 

 

Dès lors, lorsque l’assemblée générale du syndicat des copropriétaires, regroupant ces deux copropriétaires, sera amenée à se prononcer sur une telle désignation, plusieurs solutions sont envisageables :

 

-         Si un seul de ces deux copropriétaires est présent ou représenté, par application des dispositions de l’article 25–1 de la loi du 10 juillet 1965, il est possible, le projet ayant recueilli, a fortiori, au moins le tiers des voix, de procéder à l’élection du syndic immédiatement aux conditions de majorité de l’article 24, par un second vote.

En résumé, le candidat pressenti par le copropriétaire présent sera forcément élu aux fonctions de    syndic.

 

-         Si les deux copropriétaires sont présents ou représentés, seule une décision unanime permettra de voir désigner un syndic.

 

-         Enfin, en cas de désaccord, l’assemblée générale serait dans l’incapacité de voir désigner un syndic et par conséquent, la seule voie ouverte demeure celle de l’article 46 du décret du 17 mars 1967 qui dispose :

 

« A défaut de nomination du syndic par l'assemblée des copropriétaires dûment convoqués à cet effet, le président du tribunal de grande instance désigne le syndic par ordonnance sur requête d'un ou plusieurs copropriétaires ou, en cas de syndicat coopératif, sur requête d'un ou plusieurs membres du conseil syndical.

La même ordonnance fixe la mission du syndic et, sous réserve des dispositions du dernier alinéa du présent article, la durée de celle-ci ; la durée de cette mission peut être prorogée et il peut y être mis fin suivant la même procédure.

Indépendamment de missions particulières qui peuvent lui être confiées par l'ordonnance visée à l'alinéa 1er du présent article, le syndic ainsi désigné administre la copropriété dans les conditions prévues par l'article 18 de la loi susvisée du 10 juillet 1965 et par le présent décret. Il doit notamment convoquer l'assemblée générale en vue de la désignation d'un syndic deux mois avant la fin de ses fonctions.

La mission du syndic désigné par le président du tribunal cesse de plein droit à compter de l'acceptation de son mandat par le syndic désigné par l'assemblée générale. »

 

Nous sommes donc dans les circonstances d’un syndic dit judiciaire.

 

Le texte précise que le recours à une telle nomination suppose qu’une assemblée ait été réunie et que les copropriétaires n’aient pu parvenir à désigner un syndic à la majorité légale ( Cass Civ 3ième 6 octobre 1999 jurisdata n°1999 003391).

Cependant dans les circonstances très particulières d’une copropriété réunissant deux copropriétaires, la réunion préalable d’une assemblée, prérequis rendu obligatoire par cet article, est inutile car la jurisprudence estime qu’elle n’aurait aucune chance d’aboutir.

La demande en désignation d’un syndic judiciaire peut donc être faite sans que l’assemblée ait été préalablement convoquée (TGI Lyon 30 sept 1970 JCP G 1970 II 552)

 

Ce syndic judiciaire voit la durée de sa mission fixée par l’ordonnance qui le désigne néanmoins cette durée ne peut, en principe, excéder trois années.

Cette  mission correspond en tout point à celle d’un syndic ordinaire c’est-à-dire qu’il administre la copropriété « dans les conditions prévues par les articles 18 à 18–2 de la loi du 10 juillet 1965 et par le présent décret. »

 

Même s’il peut se voir confier des missions particulières par le Président du tribunal de Grande instance, il n’en demeure pas moins que ses pouvoirs sont limités par l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

 

 

Il ne peut dès lors se substituer à l’assemblée générale dans son pouvoir décisionnaire.

 

Par conséquent, si la discorde entre ces deux copropriétaires persiste et qu’aucun consensus ne peut être dégagé au cours des assemblées générales, il apparaît que la prise de décision est impossible et, à mon sens, le syndicat est , alors, dans l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble.

 

La voie de l’article 29–1 de la loi du 10 juillet 1965 apparaît comme l’ultime solution.

 

S’agissant de l’administration provisoire « copropriété en difficulté » :

 

Le premier alinéa de l’article 29-1 de la loi du 10 juillet 1965, modifié par la loi allure du 24 mars 2014, dispose que :

 

Si l'équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis ou si le syndicat est dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble, le juge statuant comme en matière de référé ou sur requête peut désigner un administrateur provisoire du syndicat. Le juge ne peut être saisi à cette fin que par des copropriétaires représentant ensemble 15 p. 100 au moins des voix du syndicat, par le syndic, par le maire de la commune du lieu de situation de l'immeuble, par le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, par le représentant de l'Etat dans le département, par le procureur de la République ou, si le syndicat a fait l'objet de la procédure prévue aux articles 29-1 A et 29-1 B, par le mandataire ad hoc.

 

La désignation d’un administrateur provisoire dit « copropriété en difficulté » disposant de pouvoirs étendus est possible lorsque le syndicat est dans « l’impossibilité de pourvoir à la conservation de l’immeuble. »

 

Cette impossibilité peut tenir à des raisons financières (problèmes de trésorerie au sein du syndicat) comme juridiques.

Tel en est le cas lorsque le syndicat refuse de donner au syndic, les pouvoirs nécessaires pour remplir sa mission.

 

En l’espèce, la situation de blocage découlant de l’opposition systématique de ces deux copropriétaires est de nature à justifier, juridiquement, la désignation d’un tel administrateur provisoire.

 

Ce dernier disposant, à la lettre de cet article, des pouvoirs du syndic, de l’assemblée (exception faite, sauf habilitation spéciale, des actes d’acquisition et d’aliénation immobilière et de modification d’établissement du règlement de copropriété) et des pouvoirs du conseil syndical pour contrevenir à la carence du syndicat des copropriétaires dans sa prise de décision essentielle à la pérennité de la vie collective au sein de cette copropriété et à la conservation de l’immeuble.

 

Il ressort des articles 62-1 et suivants du décret du 17 mars 1967 que cette demande qui devra émaner du syndic judiciaire devrait être présentée par voie de requête accompagnée des pièces de nature à justifier de ses demandes.

En effet, la voie de la requête n’est ouverte qu’au syndic en exercice, il me paraît difficile en cas d’absence de syndic, du fait de l’absence de consensus, qu’un copropriétaire puisse assigner « comme en matière de référés» le syndicat des copropriétaires qui ne serait pas, en l’espèce, représenté.

 

Néanmoins, il me semble possible de raccourcir ce processus.

En effet, en cas de discordance évidente de ces copropriétaires lors de la première assemblée générale convoquée par un administrateur provisoire (article 47 du décret du 17 mars 1967 : en cas de carence de syndic), tout copropriétaire peut respecter la lettre de l’article 62-1 de ce même Décret, en assignant dans les formes prescrites, le syndicat représenté par son administrateur.

 

 



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