LA VERANDA EN COPROPRIETE

L’installation d’une véranda est devenue une opération technique simple fréquemment croisée dans les immeubles en copropriété.

La véranda présente des avantages indéniables pour celui qui la réalise (confort de vie, gain de surface…) faisant ainsi de ce sujet une actualité en copropriété.

Même si elle peut paraître dénuée d’inconvénients pour les voisins, en droit de la copropriété, la légalité de son installation varie d’une espèce à l’autre.

Ainsi et bien souvent, la véranda est composée d’éléments simplement fixés sur le mur qui délimite le balcon, ou posés sur une dalle du jardin, de « parois vitrées adossées à la façade » (Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 23 novembre 2004, n° 2004/639, R.G. : 00/02562). De plus, elle est peu visible ou bien d’autres aménagements semblables ont déjà été réalisés sans protestation de quiconque. Elle ne porte donc aucune atteinte à l’harmonie de l’immeuble, à sa destination.

Mais même dans un tel cas, les contestations, souvent partisanes et envieuses, sont nombreuses.

Face à une telle question plusieurs précisions semblent nécessaires.

Tout d’abord, le règlement de copropriété peut interdire, sur les terrasses dont certains copropriétaires ont la jouissance privative, « toute construction, même légère » ; les travaux sont alors illicites (Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 6 octobre 2006, n° 2006/494, R.G. : 04/02725), sans pour autant que l’assemblée générale puisse déroger à cette interdiction d’ordre conventionnelle (Cass.3èmeciv., 10 octobre 2007, n° 06-17.932, Bull. civ. III, n. 172.- Cass.3èmeciv., 8 septembre 2009, n° 08-14.001.- Comparer Cass.3èmeciv., 20 mars 2002, n° 00-17.751, Bull. civ. III, n. 70.- Cass.3èmeciv., 21 juin 2006, n° 05-15.752,  Bull. civ. III, n. 156).

L’installation d’une véranda peut aussi parfois occasionner un trouble de voisinage caractérisé et prouvé ; le copropriétaire subissant ce trouble et qui en établit le caractère anormal peut solliciter la démolition. Le « syndicat ne peut permettre l’utilisation d’un lot dans des conditions telles qu’il en résultera un trouble pour les lots voisins » (Aix-en-Provence, 4ème Ch. C, 12 avril 2007, n° 2007/163, R.G. : 01/12699).

S’il n’y a ni prohibition expresse dans le règlement ni trouble de voisinage, l’installation d’une véranda affecte sans nul doute l’aspect extérieur de l’immeuble ; elle doit, pour cette raison, être autorisée par l’assemblée générale (Paris, 23ème Ch. A, 20 novembre 1996, Loyers et coprop. 1997, n. 91), statuant à la majorité de l’article 25 (ou, le cas échéant, de l’article 25-1) de la Loi du 10 juillet 1965.

Mais cette majorité de l’article 25 b de la loi n’est pas toujours suffisante.

Ainsi la construction d’un local nouveau, véritable ouvrage aménagé en véranda sur un terrain constituant une partie commune, même réservée à l’usage exclusif du copropriétaire qui prend l’initiative de cette construction, peut changer la destination de cette partie commune. La double majorité de l’article 26 est alors requise pour l’autoriser (Cass.3ème civ., 8 novembre 2006, Loyers et coprop. 2007, n. 18, obs. Vigneron.- Comparer Cass.3ème civ., 19 janvier 1994, Bull.civ. III, n. 7.- Cass.3ème civ., 20 mars 2002, Bull.civ. III, n. 70, Loyers et coprop. 2002, n. 159.- Cass.3ème civ., 4 novembre 2004, Bull.civ. III, n. 189).

Retenons que cette solution rigoureuse ne peut être généralisée.

En effet, la pose d’une véranda sur une terrasse peut être ratifiée à la majorité de l’article 25 de la loi, si, portant sur une construction existante, elle ne réalise ni construction nouvelle, ni agrandissement de volumes (Cass.3ème civ., 9 mars 2005, Loyers et coprop. 2005, n. 103, obs. Vigneron.- Paris, 23ème Ch. A, 20 novembre 1996, Loyers et coprop. 1997, n. 91).

L’autorisation d’installer une paroi vitrée démontable peut être délivrée à la même majorité, sur une terrasse, partie privative (Cass.3èmeciv., 6 octobre 1993, n° 91-19.936) ou partie commune à jouissance privative (Paris, 23ème Ch. B, 24 avril 1998, Loyers et coprop. 1998, n. 287.- Paris, 23ème Ch. B, 5 novembre 1993, D. 1994, Somm.com., p. 198, obs. Bouyeure).
 
La demande de remise en l’état antérieur des parties communes, fondée sur la méconnaissance des conditions posées dans l’autorisation donnée par une assemblée générale, est une action personnelle soumise à la prescription de dix ans de l’article 42, alinéa 1, de la loi du 10 juillet 1965 (Cass.3èmeciv., 25 mai 2005, n° 04-10.345). Le délai de trente ans de l’article 2227 du Code civil ne pourrait être invoqué qu’en cas d’appropriation de parties communes ou d’empiétement sur celles-ci.

L’exigence légale d’autorisation majoritaire est parfois conçue comme strictement formaliste. A défaut d’autorisation ou de ratification majoritaire, la condamnation à supprimer la véranda serait inévitable.

En réalité, il appartient aux juges du fond d’apprécier concrètement la situation litigieuse. L’absence prolongée de réaction du syndicat et de toute protestation ne peut être négligée. Il ne s’agit pas, pour le bénéficiaire de la véranda, de se prévaloir d’une décision implicite, mais seulement de relever que les caractéristiques de l’immeuble ont pu changer dans le temps, notamment si d’autres aménagements semblables ont été réalisés.

De même, « la démolition d’une construction n’(est) pas la conséquence nécessaire de l’annulation de la décision de l’assemblée générale l’autorisant » (Cass.3èmeciv., 20 mars 1979, n° 77-15.880, Bull. civ. III, n. 70). Lorsque l’autorisation majoritaire est annulée pour un motif de pure forme, la position prise par les copropriétaires en faveur de l’aménagement en cause, n’en demeure pas moins. Le clivage entre l’instrumentum ( la forme) et le negotium ( la volonté) semble alors reprendre ses droits

Surtout, lorsque plusieurs vérandas sont en place et que  certaines d’entre elles seulement sont contestées, le principe d’égalité en les copropriétaires peut être invoqué pour justifier son maintien (Comparer Cass.3èmeciv., 15 décembre 1993, n° 92-10.619, Loyers et coprop. 1994, n. 84.- Cass.3ème civ., 11 mai 2006, n° 05-10.924, Bull.civ. III, n. 120, Administrer, 2006, n° 391, p. 52, obs. Bouyeure.- Cass.3èmeciv., 11 mars 2009, n. 08-10.566, Loyers et coprop. 2009, n. 131, obs. Vigneron.- Cass.3èmeciv., 16 juin 2009, n° 08-16.069.- Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 21 octobre 2005, n° 2005/485.- Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 22 septembre 2006, n° 2006/462.- Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 13 octobre 2006, n. 2006/499.- Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 16 mars 2007, arrêt n° 2007/132.- Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 16 janvier 2009, n° 2009/8). Le copropriétaire sollicitant la démolition peut être débouté.

L’installation d’une véranda peut, en outre, affecter notablement l’harmonie de l’immeuble.

Il en est ainsi, par exemple, si la façade d’un immeuble d’un certain style présente une réelle unité ; l’aspect du bâtiment, son esthétique générale, peuvent en être dégradés.

Dans une telle hypothèse, l’autorisation d’installation de la véranda requiert un vote unanime des membres du syndicat en assemblée générale. Le principe s’impose ; les caractéristiques déterminantes de l’immeuble, celles qui en font la qualité et qui sont constitutives de sa « destination » au sens légal (art. 8, al. 2, L. n. 65-557 du 10 juillet 1965), ne peuvent être modifiées sans l’accord de tous les copropriétaires. Cet accord peut être néanmoins donné a posteriori.
 
L’appréciation de l’atteinte alléguée à la destination de l’immeuble ne peut s’effectuer dans l’abstrait.

Les juges du fond ont à apprécier les circonstances de la cause. Dès lors que la façade de l’immeuble comporte d’autres vérandas semblables, (« l’ensemble des vérandas ainsi réalisées de la même façon avec des matériaux de même nature ne crée aucune désharmonie de la façade arrière de l’immeuble considéré, constituée de balcons situés sur des plans verticaux en retrait, les uns par rapport aux autres » Aix-en-Provence, 4ème Ch. A, 22 décembre 2006, n° 2006/651, R.G. : 04/10902). La suppression n’a pas à être ordonnée.

L’installation d’une véranda dans une copropriété nécessite donc une étude précise de l’espèce, de l’immeuble, de ses caractéristiques et de l’évolution de sa destination car de cette étude dépend la légalité de cette nouvelle installation.

Le Cabinet NAUDIN se tient à votre disposition pour toutes précisions.
Nous contacter
Les champs indiqués par un astérisque (*) sont obligatoires