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Les résidences de tourisme en copropriété


1.) Les résidences de tourisme bénéficient-elles d’un régime juridique particulier ?

L’article D321-1 du code du tourisme définit une résidence de tourisme comme « un établissement commercial d'hébergement classé, faisant l'objet d'une exploitation permanente ou saisonnière. Elle est constituée d'un ou plusieurs bâtiments d'habitation individuels ou collectifs regroupant, en un ensemble homogène, des locaux d'habitation meublés et des locaux à usage collectif. Les locaux d'habitation meublés sont proposés à une clientèle touristique qui n'y élit pas domicile, pour une occupation à la journée, à la semaine ou au mois. Elle est dotée d'un minimum d'équipements et de services communs. Elle est gérée dans tous les cas par une seule personne physique ou morale ».

Depuis le 1er juillet 2019, ces résidences de tourisme sont classées en 5 catégories. Les critères de classement ont été actualisés par un arrêté du 10 avril 2019 fixant les normes et cette procédure de classement.

S’agissant de leur administration, ces résidences de tourisme peuvent être organisées notamment en :

Monopropriété : L'immeuble appartient à une seule et même personne juridique. Ce dernier en confie alors l'exploitation à une société tierce. Cette organisation est peu rependue en France, tant il est vrai qu’elle nécessite un investissement financier conséquent.
« Multipropriété » : Cette forme correspond, en réalité à l'attribution d'un droit de jouissance à temps partagé. Ce mode d’administration des résidences tourisme est encadré juridiquement mais n’a eu, en France, qu’un faible écho.
Copropriété telle qu’elle est prévue par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et son décret d’application du 17 mars 1967. En effet, comme le dispose l’article D321-2 du Code du tourisme, ces résidences tourisme peuvent être placées sous ce statut drastique.

C’est cette dernière forme d’administration et d’organisation qui a su imposer, pour d’évidentes raisons économiques, son modèle en France.

Si, sur le papier, cette idée était séduisante car ce statut, largement d’ordre public, donnait un cadre précis à l’administration des résidences de tourisme, il n’en demeure pas moins que beaucoup de ses dispositions sont difficilement compatibles avec l’essence même de ces résidences de tourisme.

Ainsi et par exemple, dès les prémisses de la notion de copropriété, on découvre qu’aux organes habituels de cette dernière (syndic, conseil syndical et syndicat des copropriétaires) vient s’ajouter l’exploitant professionnel. Ce tiers à la copropriété, qui par définition ne peut être tenu des droits et obligations découlant de son statut, devient un acteur incontournable de la résidence de tourisme en copropriété .

Mais comment faire coexister ce tiers, généralement preneur à bail commercial, avec des copropriétaires détenteurs de droits réels ?

Cette question est d’autant plus pertinente que ces copropriétés se singularisent par des prestations et équipements que les copropriétés « classiques » ne connaissent pas. Ainsi aux services traditionnels tels que le nettoyage des parties communes, l'entretien des espaces verts, l’éventuelle présence d'un gardien, viennent s’ajouter l'accueil des résidents, la restauration, la fourniture de linge de maison, le nettoyage des parties privatives des lots...Par ailleurs, bon nombre de ces résidences de tourisme est équipée d’installations communes telles que des piscines, des courts de tennis, des terrains de sport, des salles collectives ou de gymnastique…

Il est donc évident que les règles propres à la copropriété doivent, souvent, être adaptées afin de tenir compte de ces différences. Ceci est d’autant plus vrai que si pour les résidences dites de services, la Loi du 10 juillet 1965 a prévu des règles particulières, les résidences de tourisme ont été, hormis quelques règles éparses, les grandes oubliées du statut de la copropriété.

2.) Comment définir la destination d’un immeuble classé en résidence de tourisme ?

Pour les rédacteurs du statut de la copropriété, la destination de l’immeuble est une notion qui regroupe les caractéristiques physiques, juridiques, contractuelles et sociales de l’immeuble justifiant l’intérêt qu’ont eu les copropriétaires lors de leur achat. Elle se compose essentiellement des mentions et stipulations du règlement de copropriété et des autres documents de la copropriété mais comprend également tout ce qui définit l’immeuble dans un sens large (qualité de l’architecture de l’immeuble, de ses matériaux de construction, de la qualité des espaces communs et des parties privatives, des services et équipements collectifs (espaces verts, piscine, tennis…), de son cadre de vie (quartier populaire ou résidentiel…)). Elle joue le rôle de garde-fou au sein de la copropriété en ce qu’elle limite les velléités des copropriétaires dans leurs comportements individuels , du syndicat dans sa prise de décision et du règlement de copropriété à régenter la vie des copropriétaires.

Notons qu’elle n’est pas figée et peut évoluer puisque tant les changements physiques de l’immeuble que ses conditions d’occupation et l’évolution de son environnement direct influent sur sa définition. Néanmoins sa définition contractuelle (règlement de copropriété) ne peut être modifiée qu’après un vote unanime du syndicat des copropriétaires.

C’est ici que se situe la principale difficulté. En effet, dans le cas particulier des résidences de tourisme, le déclassement de la résidence ou la cessation de cette activité sont à l’origine d’un important contentieux. Il est ainsi fréquent de croiser d’anciennes résidences de tourisme dans lesquelles cette activité ne peut plus être exercée faute d’exploitant ou d’aménagements idoines. Les copropriétaires imaginent alors pouvoir habiter, louer ou revendre classiquement leurs lots.

La Cour de cassation a pourtant clairement rappelé dans un arrêt du 19 octobre 2011 « le règlement de copropriété ne peut être modifié en ses stipulations relatives à la destination de l’immeuble que par une décision de l’assemblée générale prise à l’unanimité ».

Il est donc fortement recommandé aux rédacteurs des règlements de telles copropriétés de stipuler que l’immeuble a une destination principale d'habitation et constitue une résidence de tourisme classée au sens des articles D. 321-1 et D. 321-2 du Code du tourisme. La reproduction de ces articles est même recommandée.

Il parait même essentiel d'ajouter, à cette clause, les conséquences d'une absence de classement en résidence de tourisme ou de la cessation de cette activité et ainsi, de prévoir, dans de telles hypothèses, une destination alternative à l’immeuble.
À défaut, la résidence pourra se retrouver dans une situation de blocage la conduisant à de graves difficultés physiques et financières.

3.) Quelle est la nature juridique des locaux à usage collectif ?

Il découle de la nature même de résidence de tourisme que certaines parties de l’immeubles sont affectées à l’usage collectif et aux services communs (Réception client, garderie, activités sportives et de restauration…)

La nature juridique de ces parties de l’immeuble en copropriété a longtemps été sujette à discussion. Fallait-il en faire des lots de copropriété cédés à l’exploitant commercial avec le risque que ces équipements et locaux collectifs ne soient plus entretenus dès que cet exploitant aurait perdu intérêt dans la commercialité de la résidence ? Ou comme le préconisait le Cour de cassation, fallait-il créer un droit de jouissance privatif particulier conférant ainsi la nature de parties communes auxdits locaux et équipements ?

La Loi ALUR du 24 mars 2014 a apporté, par son article 58, une réponse claire en précisant que, pour les résidences de tourisme construites à partir du 1er juillet 2014, « les locaux à usage collectif composés d’équipements et de services communs au sens de l’article D321-1 du code du tourisme, ne peuvent faire l’objet d’un lot distinct vendu à un copropriétaire et font l’objet d’une propriété indivise du syndicat des copropriétaires. Ils demeurent donc des parties communes dont l’administration, la conservation et l’amélioration répondent de l’objet du syndicat.

Concernant les résidences de tourisme construites avant le 1er juillet 2014, si ces locaux à usage collectif font l’objet d’un lot appartenant à un copropriétaire et qu’ils ne sont pas entretenus, entrainant un déclassement de la résidence ou l’impossibilité de la commercialiser, l’assemblée générale peut saisir le tribunal judiciaire aux fins de voir prononcer un état de carence ou de constater l’abandon.

L’entretien de ces locaux pourra alors être temporairement confié par le juge au syndicat des copropriétaires. Le copropriétaire, qui en est propriétaire, reste alors redevable des charges engagées par le syndicat. Si la carence du propriétaire est avérée, le juge pourra constater l’abandon et ces locaux à usage collectif pourront devenir propriété indivise du syndicat des copropriétaires après paiement d’une juste et préalable indemnité fixée par le juge et versée au précédent propriétaire. Ces locaux ne pourront plus être cédés par le syndicat sous forme de lot

4.) Quels sont les droits d’un copropriétaire en résidence de tourisme sur son lot ?

En droit de la copropriété, les droits des copropriétaires sur leurs parties privatives, et plus largement leurs lots, sont comparables à ceux d’un propriétaire ordinaire. Ils sont donc pleins mais limités par la destination de l’immeuble et les droits des autres copropriétaires .

Un copropriétaire est ainsi, en principe, libre de céder, louer, son lot. Les clauses d’inaliénabilité , imposant des restrictions à la vente d’un lot, ou portant stricte interdiction de louer contenues dans un règlement de copropriété, doivent être, sauf cas particuliers liés au standing de l’immeuble , considérées comme illicites.
Rappelons que dans le cas particulier des résidences de tourisme, et depuis 2009, l’article D321-2 du Code du Tourisme impose aux règlements des copropriétés concernées de contenir une stipulation rappelant l’obligation qu’ont les copropriétaires de donner à bail commercial leur bien pendant une durée minimum de 9 ans et ce pour 70% des locaux d’habitation meublés.

L’atteinte à la libre disposition de leurs lots par les copropriétaires est ici évidente mais semble justifiée, conformément aux articles 8 et 9 de la Loi du 10 juillet 1965, par la destination de l’immeuble.

Néanmoins plusieurs questions se posent.

- Comment déterminer les 70% en question ? Faut-il le préciser dans le règlement au risque de créer une inégalité de traitement entre copropriétaires ?

D’évidence, et hormis de très rare cas bien précis (lots destinés à héberger les employés de la résidence, copropriétés complexes composées de plusieurs bâtiments) une telle précision ne peut que conduire au litige. Elle n’est donc pas souhaitable.

- Que devient cette stipulation une fois les 9 années écoulées, et notamment en cas de perte d’agréement ou de désintérêt pas des exploitants ?

À l'issue de cette période de 9 années, les copropriétaires peuvent à nouveau disposer de leur lot, ils peuvent ainsi décider de ne plus le donner à bail commercial ou poursuivre la relation contractuelle sous réserve de l'accord de la société d'exploitation ou du paiement d’une indemnité d’éviction.

Attention, la décision d'un ou plusieurs copropriétaires de ne pas poursuivre son engagement avec la société d'exploitation ou le non-renouvellement de certains contrats par la société d'exploitation n'implique pas nécessairement la fin de l'activité de résidence de tourisme.

Le décret du 16 mars 2015 fixe effectivement le seuil de 70 % de lots de copropriété à usage d'habitation meublés donnés à bail à 55 % pour les résidences de tourisme exploitées depuis plus de 9 ans dont le classement arrive à échéance et celles non classées répondant aux caractéristiques des résidences de tourisme.
En tout état de cause, la rédaction précise, par le notaire, de la clause de destination de l’immeuble est essentielle. En effet, une clause précisant simplement que « l’immeuble est à destination de résidence de tourisme » ne permettra pas, sauf accord unanime de tous les copropriétaires, à ces derniers de vendre, occuper ou louer par eux même leurs lots.

5.) Les charges de copropriété d’une résidence de tourisme sont -elles des charges imputables au preneur à bail ?

La question de la répartition des charges de copropriété dans une résidence de tourisme se situe au croisement du Droit de la copropriété et du Droit des baux commerciaux.
Le législateur en a tenu compte et a ainsi adopté plusieurs textes devant protéger ce bailleur/copropriétaire particulier. C’est ainsi que la durée minimale du contrat de bail a été portée à 9 années et que le preneur exploitant se voit obligé de veiller au bon classement de la résidence et à l’information de l’investisseur .

Néanmoins et assez curieusement, le législateur n’a pas entendu créer un bail propre au résidences tourismes si bien que la répartition des charges reste encadrée et limité par la Loi PINEL du 18 juin 2014 et le contenu même du contrat de bail.

• Le copropriétaire bailleur reste obligatoirement redevable des gros travaux

- Pour les baux conclus avant 2014 :

En l’absence de disposition légales, c’était la liberté contractuelle qui s’imposait en la matière. La précision des stipulations du bail commercial était donc essentielle. Les gros travaux de l’article 606 du Code Civil pouvaient donc parfaitement mis à la charge de l’exploitant commercial.

Néanmoins, les juges avaient une certaine tendance à interpréter strictement les clauses relatives aux charges et ainsi être favorable au preneur.
Ainsi à défaut de clause expresse, les réparations relatives à l'entier immeuble demeuraient nécessairement à la charge du copropriétaire bailleur .
Il en était de même dans le cas précis d'un bail commercial stipulant une prise en charge exclusive par preneur de « l'ensemble des charges de copropriété » de l'immeuble au sein duquel se situait le local commercial. La Cour de cassation devait alors interpréter restrictivement cette clause .

- Pour les baux conclus après 2014 :

Dans les baux conclus depuis 2014, ne peuvent absolument pas être mis à la charge de l’exploitant preneur les charges suivantes :

- Les grosses réparations visées à l’article 606 du Code civil touchant au bâti (celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres, des couvertures entières et des murs de soutènement et de clôture) ainsi que le cas échéant les honoraires liés à ces travaux ;
- Le coût des travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le local loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors que ces travaux relèvent des grosses réparations ;

L’article 606 du code civil définit les travaux de grosses réparations comme étant ceux qui affectent « les gros murs et les voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. […] les digues et les murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien. »

La jurisprudence a élargi le champ des grosses réparations en désignant comme tels les travaux qui intéressent l’immeuble dans sa structure et sa solidité en général

La vétusté, quant à elle, est entendue comme la dégradation et les dégâts résultant d’un usage normal et légitime de la chose louée

Si cette obligation demeure indiscutable s’agissant des parties privatives du lot, le doute pouvait subsister concernant les gros travaux affectant les parties communes de la résidence.

En effet, à aucun moment la Loi PINEL, et partant l’article R 1435-35 du Code de Commerce, ne précisent si cette interdiction vise exclusivement le local loué ou également les parties communes composant l’immeuble dans lequel il se situe.

La jurisprudence en la matière protège le locataire commercial. Ainsi, il semble que ce dernier se trouve désormais exonéré de participer aux charges de copropriété relatives aux gros travaux devant être réalisés dans les parties communes de la résidence de tourisme. Les honoraires du syndic découlant de la réalisation de ces travaux suivent inexorablement le même sort.

Les charges pouvant généralement être supportées par le preneur exploitant

Le contrat de bail peut stipuler, sans que cela ne soit obligatoire ou automatique, que peuvent être à la charge de l’exploitant preneur :

- Les dépenses courantes d’eau, de gaz et d’électricité,
- Les dépenses d’entretien et de réparations courantes de la copropriété : peintures, papiers peints, moquettes, appareils de chauffage, compteurs, sanitaires, volets extérieurs…
- Les dépenses d’équipement et de service de la copropriété : quote-part des frais d’ascenseurs, charges du personnel d’entretien, consommables des parties communes…
- Les travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique,
- Les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont bénéficie le locataire : taxe foncière, taxes additionnelles à la taxe foncière, voirie, enlèvement des ordures ménagères…

Mais attention à la rédaction des clauses du bail, car à défaut de stipulations précises et claires ces dépenses peuvent rester à la charge du copropriétaire bailleur.

Notons que, la Cour de cassation a jugé que les copropriétaires qui avaient retiré la gestion de leur lot à la société d'exploitation n’étaient plus tenus de participer aux frais de réception dans le hall d'accueil, ce service étant un service commercial distinct des services qui profitent à tous les copropriétaires .

Les résidences de tourisme, de par leur manifeste incompatibilité avec le statut de la copropriété, occuperont encore pour quelques années les juridictions françaises.
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Benjamin NAUDIN
Me Benjamin NAUDIN est titulaire, depuis février 2007, d’un doctorat en droit immobilier en traitant, sous la direction du professeur Christian Atias, la question de l’i...
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