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Les frais de chauffage et d’eau chaude sanitaire en copropriété


Le chauffage et la production d’eau chaude sanitaire représentent près de la moitié de la facture énergétique d’un lot de copropriété.

S’agissant d’équipements collectifs, les frais y afférents devraient être répartis en application du critère de l’utilité dite objective (Art.10 Loi du10 juillet 1965).

Or beaucoup d’immeubles équipés de tels systèmes ne prévoyaient pas, en leur règlement, une telle individualisation. Certains de ces documents allaient parfois jusqu’à attribuer ces coûts en appliquant une répartition proportionnelle aux tantièmes de copropriété. La Cour de Cassation n’avait pas condamné cette pratique tant qu’il n’était pas démontré qu’elle était contraire au critère d’utilité (Cass Civ 3ème 8 février 1977 D 1978 p.22. Cass Civ 3ème 28 mars 2006 Rev Administrer juin 2006 p.51.)

Cependant, il est évident qu’une telle répartition « empirique » peut être propice à une surconsommation énergétique car, pour les copropriétaires, il n’existe aucune corrélation entre leurs comportements individuels et la dépense énergétique collective.

La mesure individuelle des frais de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire et sa communication à l’occupant du lot constituent donc le premier pas vers une sensibilisation, voir une responsabilisation énergétique. L’objectif final est évidemment la maîtrise de la dépense énergétique dans les logements collectifs. Ainsi, et par exemple, associée à l’installation d’appareil de régulation de la puissance des chauffages, l’individualisation des frais de chauffage permet de réaliser une économie d’énergie d’environ 15 à 20%.

Serpent de mer de la copropriété, cette question a fait l’objet de nombreux textes depuis les chocs pétroliers des années 1970.

L’obligation de procéder à une telle individualisation, et partant, à la pose d’équipements idoines date de 2011 et a été renforcée par la Loi sur la Transition énergétique du 17 août 2015.
Cette loi avait ainsi imposé aux immeubles les plus énergivores (dont la consommation énergétique est supérieure à 120 kW/m2/an) la pose d’appareil permettant d’individualiser les frais issus du chauffage collectif et ce avant le 31 décembre 2017.

Plus récemment la Loi ELAN du 23 novembre 2018 (Art 71 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 )et ses décrets des 22 mai et 6 septembre 2019 sont venus préciser cette obligation en introduisant le principe de rentabilité de la mesure, en élargissant les obligations aux frais de refroidissement collectif et en imposant la pose d’un équipement permettant, au-delà de l’individualisation des frais, la régulation des appareils de chauffages/ refroidissement concernés.

Ce sont finalement l’ordonnance du 15 juillet 2020 et ses décrets d’application du 20 juillet 2020 qui ont déterminé le cadre actuellement applicable en la matière.

Ainsi et désormais s’agissant du chauffage ou du refroidissement collectif :

« I. - Tout immeuble collectif à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation pourvu d'une installation centrale de chauffage ou alimenté par un réseau de chaleur est muni de compteurs individuels d'énergie thermique permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de chauffage collectif.
II. - Tout immeuble collectif à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation pourvu d'une installation centrale de froid ou alimenté par un réseau de froid est muni d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de froid fournie à chaque local occupé à titre privatif et ainsi d'individualiser les frais de refroidissement collectif. »

Concernant la production d’eau chaude sanitaire :

« Sauf dans les cas de dérogation prévus aux articles R. 174-16 et R. 174-17, dans les immeubles collectifs où la production d'eau chaude est commune à tout ou partie des locaux occupés à titre privatif, les frais de combustible ou d'énergie afférents à la fourniture d'eau chaude sont répartis entre ces locaux proportionnellement à la mesure des compteurs individuels d'eau chaude.
Lorsque les conditions de fourniture de l'eau chaude ne permettent pas de connaître la part des frais de combustible ou d'énergie entrant dans le prix de cette fourniture, cette part fait l'objet, pour l'application du présent article, d'une estimation forfaitaire égale aux deux tiers au moins du prix total de l'eau chaude fournie par l'installation commune de l'immeuble.
Il n'est pas dérogé par le présent article aux dispositions, conventions ou usages en vigueur pour la répartition des frais, fixes ou non, et des charges afférentes à la fourniture d'eau chaude autres que les frais de combustible ou d'énergie mentionnés ci-dessus. »

A.) Les immeubles concernés

L’article L174-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que :

« Tout bâtiment collectif d'habitation ou mixte pourvu d'une installation centrale de chauffage doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer et de réguler la quantité de chaleur et d'eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif. Tout bâtiment collectif d'habitation ou mixte pourvu d'une installation centrale de froid doit comporter, quand la technique le permet, une installation permettant de déterminer et de réguler la quantité de froid fournie à chaque local occupé à titre privatif. Le propriétaire de l'immeuble ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic s'assure que l'immeuble comporte des installations répondant à ces obligations… »

Sont ainsi concernés par cette obligation les immeubles collectifs d’habitation et les immeubles d’habitation comportant des bureaux et/ou des commerces profitant des équipements suivants :

• Une installation centrale de chauffage
• Un réseau de chaleur
• Une installation centrale de froid
• Un réseau de froid
• Un réseau de production d’eau chaude sanitaire et ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme postérieure au 30 juin 1975
Certaines catégories d’immeuble sont cependant exclues de ce champ d’application, il s’agit, pour le chauffage et /ou le refroidissement collectif :
• Des logements-foyers
• Des immeubles dont les valeurs de consommation en chauffage ou en froid sont inférieures à 80 kWh/ m2/an
• Des immeubles dont l'individualisation des frais de chauffage ou de refroidissement entraîne un coût excessif au regard des économies d’énergie susceptibles d’être réalisées.
• Des immeubles dans lesquels il est techniquement impossible de mesurer le froid ou le chauffage consommé, d’installer des compteurs individuels, de poser un appareil permettant aux occupants de chaque local de réguler le refroidissement fourni par la centrale de froid ou le réseau de froid.

Et pour la production d’eau chaude sanitaire :

• Des immeubles collectifs bâti avant le 30 juin 1975 qui ne seraient pas équipés des appareils mesurages appareils installés a minima depuis le 15 septembre 1977 ou qui ne comporteraient seulement que deux locaux occupés à titre privatif.
• Des locaux dépendant d’un établissement d’hôtellerie.
• Des immeubles dont le nombre des points de mesure nécessaires est supérieur à deux fois le nombre des locaux occupés à titre privatif desservis par cette installation
• Des immeubles dans lesquels, pour plus de 15 % des points de mesure, les canalisations ne satisfont pas aux conditions d'accessibilité nécessaires.

B.) Les différents dispositifs pouvant être installés

En matière d’individualisation des frais de chauffage et de refroidissement collectif, coexistent deux grandes technologies :

• Les compteurs individuels d’énergie thermique (pour le chauffage ou le refroidissement)
• Les répartiteurs de frais de chauffage.

Les articles R 174-3 et 4 du Code de la construction et de l’habitation créent une véritable hiérarchie entre ces installations.

Ainsi, lorsque cela est techniquement et économiquement possible un compteur individuel d’énergie thermique, par logement, est installé en priorité. Il sera placé à l’entrée dudit logement et permettra de prendre une mesure directe de la quantité de chaleur ou de froid consommée.

Lorsqu’il n’est pas rentable ou techniquement possible d’installer ce type de compteurs individuels, des répartiteurs de frais de chauffage seront alors installés.

Un arrêté du 6 septembre 2019 a défini les immeubles concernés par cette exception.
Il s’agit des immeubles dans lesquels :

- La distribution du chauffage n’est pas assurée par une boucle indépendante pour chacun des lots
- L’émission de chaleur se fait par dalle chauffante sans mesure possible par local
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs de chaleur montés en série ( monotubes)
- L’installation de chauffage est constituée de systèmes de chauffage à air chaud non réversible
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs fonctionnant à la vapeur, de batteries ou de tubes à ailettes, de convecteurs à eau chaude ou de ventilo-convecteurs.

Ces répartiteurs sont alors placés directement sur les radiateurs. Ils mesurent des différences de température entre le radiateur et la pièce et en déduisent la quantité de chaleur effectivement consommée. Il est évident que pour garantir une mesure précise, un répartiteur par appareil de chauffage est nécessaire. Ces appareils sont particulièrement adaptés aux immeubles équipés de réseaux de distribution d’eau chaude verticaux.

Certains types d’installation ne permettent également pas d’installer ce type de répartiteurs.

L’arrêté du 06 septembre 2019 a également défini les immeubles ne pouvant procéder à une telle installation. Il s’agit de ceux pour lesquels :

- L’émission de chaleur se fait par dalle chauffante sans mesure possible par local
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs de chaleur montés en série ( monotubes)
- L’installation de chauffage est constituée de systèmes de chauffage à air chaud non réversible
- L’installation de chauffage est équipée d’émetteurs fonctionnant à la vapeur, de batteries ou de tubes à ailettes, de convecteurs à eau chaude ou de ventilo-convecteurs.

Notons que pour permettre l’installation de répartiteurs de frais de chauffage, voir l’exclure, une homme de l’art (Bureau d’étude…) devra émettre une note justifiant de l’impossibilité technique ou de l’absence de rentabilité de la mise en œuvre de compteurs individuels.

Par ailleurs quel que soit l’équipement choisi, les émetteurs de chaleurs devront être munis, si cela est techniquement possible d’organes de régulation en fonction de la température intérieure de la pièce, notamment de robinets thermostatiques en état de fonctionnement

Concernant la production d’eau chaude sanitaire, la solution technique est plus simple. En effet des compteurs individuels d’eau chaude doivent être installés.

En tout état de cause, qu’il s’agisse de compteurs individuels ou de répartiteurs de frais de chauffage, les appareils installés depuis le 25 octobre 2020 doivent être relevables par télérelève. A compter du 1er janvier 2027, l’ensemble des appareils, devront être télé relevables.

C.) Le calendrier de leur installation

Depuis la Loi sur la Transition énergétique, nous savons que l’entrée en vigueur de cette obligation dépend de la consommation énergétique de l’immeuble.

Ainsi depuis le 31 décembre 2017, tous les immeubles collectifs dont la consommation énergétique en chauffage est supérieure à 120 kWH/m2/an doivent avoir procédé à la pose d’appareil permettant d’individualiser les frais issus du chauffage collectif.

Pour les immeubles dont la consommation en chauffage ou refroidissement est supérieurs à 80 kWH/m2/an, l’échéance était fixée au 25 octobre 2020

Ainsi, le syndic devait, avant cette date et lorsque la copropriété était concernée par l’obligation d’individualiser les frais de chauffage, inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée générale la question des travaux permettant de munir l’installation de chauffage d’un tel dispositif d’individualisation, ainsi que la présentation des devis élaborés à cet effet S’agissant de travaux rendus obligatoires en vertu de dispositions législatives et réglementaires, la majorité requise devrait être la majorité simple de l’article 24 de la Loi du 10 juillet 1965.

D.) La Répartition des frais liés au chauffage, au refroidissement collectif ou à la production d’eau chaude sanitaire

Les frais liés au chauffage et/ou refroidissement collectif de l’immeuble peuvent être répartis en deux catégories :

• Les frais de combustibles ou d’énergie, eux-mêmes répartis en frais communs et frais individuels. Les frais communs correspondent à 30 % des frais totaux. Les frais individuels sont déterminés par différence entre le total des frais et les frais communs puis répartis à partir des données relevées par les appareils de mesure. Cette répartition peut éventuellement être modulée pour tenir compte des situations thermiquement défavorables

• Les autres frais relatifs à l’entretien de l’installation et, éventuellement, à la consommation électrique nécessaire au fonctionnement des appareillages (pompes, instruments de régulation, etc.).

Les frais liés à la production d’eau chaude sanitaire, quant à eux, comptent les frais de combustible ou d'énergie afférents à la fourniture d'eau chaude. Ces derniers doivent être répartis entre les copropriétaires proportionnellement à la mesure des compteurs individuels d'eau chaude.

Cependant, lorsque les conditions de fourniture de l'eau chaude ne permettent pas de connaître la part des frais de combustible ou d'énergie entrant dans le prix de cette fourniture, cette part est estimé forfaitairement aux deux tiers au moins du prix total de l'eau chaude fournie par l'installation.

Attention, ces dernières règles ne concernent que les frais de combustibles ou d’énergie. Les autres frais demeurent régis par les dispositions, conventions ou usages déjà fixés .

E.) L’informations des copropriétaires sur les consommations et charges d’énergie

L’ordonnance du 15 juillet 2020, son décret d’application du 20 juillet 2020 et deux arrêtés du 24 juillet 2020 déterminent les règles relatives aux modalités d'accès aux informations de consommation et de facturation liées aux consommations de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire dans les immeubles collectifs.

Comme nous l’avons vu, tout système de comptage situé sur un point de livraison à destination d'un immeuble à usage d'habitation ou à usage professionnel et d'habitation est télé-relevable :

• Depuis le 25 octobre 2020 pour les systèmes de comptage mis en place à partir de cette date ;
• Au plus tard le 1er janvier 2027 pour l'ensemble des systèmes de comptage existants.
Cette démarche a pour but évident de permettre une meilleure information des copropriétaires et occupants de l’immeuble.

S’agissant plus particulièrement de la copropriété, ces différents textes ont modifiés les articles 18-1 et 24-9 de la Loi du 10 juillet 1965.

Ainsi et depuis le 25 octobre 2020, dans les immeubles munis de compteurs individuels d'énergie thermique, d'appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de froid, ou d'un dispositif d'individualisation des frais d'eau chaude sanitaire, lorsque ceux-ci sont télé-relevables, l'évaluation de la consommation de chaleur, de froid et ou d’eau chaude sanitaire du logement doit être transmise :

• Semestriellement jusqu'au 31 décembre 2021.
• Mensuellement depuis 1er janvier 2022.

Cette évaluation doit a minima comprendre les éléments suivants :

• La consommation de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire correspondant à la période comprise entre le dernier relevé et la dernière évaluation transmise
• La consommation de chaleur, de froid et d’eau chaude sanitaire cumulée sur l’année civile.

Par ailleurs, entre la convocation de l’assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci, parmi les pièces devant être tenues à la disposition de tous les copropriétaires, figurent désormais une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage, de refroidissement et de production d'eau chaude sanitaire collectifs .

Enfin, le syndic doit transmettre à chaque copropriétaire, concomitamment avec la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes, une note d'information sur la consommation de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire de son logement .

L’arrêté du 24 juillet 2020 précise que cette note d’information devra notamment contenir:

• Les prix des énergies appliqués aux consommations concernées par les fournisseurs
• La quantité de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire, consommée depuis l'envoi de la précédente note d'information
• La comparaison de la consommation de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire annuelle du logement avec sa consommation pour la même période au cours de l'année précédente, sous forme graphique
• La comparaison de la consommation de chaleur et d'eau chaude sanitaire annuelle du logement par rapport à un utilisateur moyen. Pour la réaliser, une nouvelle annexe III précise que le syndic ou le bailleur calcule la somme des consommations annuelles de chaleur, de froid et d'eau chaude sanitaire de l'immeuble. Cette somme est ensuite divisée par la surface habitable de l'immeuble. La valeur obtenue est ensuite multipliée par la surface habitable de chaque logement
• Des modalités de répartitions des frais de chauffage, de froid ou d'eau chaude sanitaire
• L’adresse du site internet de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie.
Pour être à même d’émettre cette note, il semble important de préciser que le syndic, en sa qualité de représentant du syndicat des copropriétaires est obligatoirement rendu dentinaire d’une autre note d’information émanant du fournisseur d’énergie.
Parmi les éléments devant impérativement apparaître de manière lisible sur cette note figurent notamment :
• Le prix unitaire du kWh et le montant hors taxes des consommations
• La description des divers tarifs, taxes et redevances appliqués
• Les combustibles utilisés et les émissions de gaz à effet de serre associées
• Le taux d'énergie renouvelable et de récupération
• La performance énergétique du réseau
• La consommation réelle de l'immeuble mesurée par le système de comptage d'énergie calorifique ou frigorifique
• La comparaison des données de consommation de chaud ou de froid actuelle de l'immeuble avec sa consommation pour la même période au cours de l'année précédente, sous forme graphique, en données corrigées des variations climatiques pour la chaleur et le froid
• La comparaison des données de consommation de chaleur ou de froid avec un utilisateur moyen appartenant à la même catégorie
• La comparaison des données de consommation de chaleur ou de froid avec les objectifs nationaux de performances énergétiques
• Les coordonnées du service compétent pour traiter les réclamations
• L’adresse du site internet de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie
• L'adresse postale et l'adresse du site internet du médiateur national de l'énergie…


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