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Décret du 27 juin 2019 : l'application concrète de la loi ELAN en copropriété (Visioconférence...)

Depuis le début de l’année 2019, les décrets d’application de la loi ELAN se suivent et cette fréquence devrait s’intensifier dans les prochains mois.

Un nouveau décret en date du 27 juin 2019 a été publié au journal officiel le 28 juin 2019. Il impacte notablement la gestion et l’administration des copropriétés, créant dès lors de nouvelles obligations pour les syndics.

Sont ainsi précisés et/ou modifiés :

  • Les conditions dans lesquelles les copropriétaires peuvent participer aux assemblées générales par visioconférence.
  • Les conditions d’accès des copropriétaires et des membres du conseil syndical à l’espace en ligne sécurisé (extranet de la copropriété).
  • Les modalités de consultation de pièces justificatives préalablement à l’assemblée et de convocation à ladite assemblée.
  • Les modalités de distribution des mandats de vote en blanc adressés au syndic.
  • Les dispositions relatives à la dématérialisation des documents au sein de la copropriété.
  • L’exception de nullité tirée du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice.
  • L’accès aux parties communes par les huissiers de justice.
 

 
1.) La participation aux assemblées générales par visioconférence

La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite Loi ELAN[1] avait prévu dans ses modalités dites d’application immédiate la faculté offerte aux copropriétaires de « participer à l'assemblée générale par présence physique, par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. »[2]

Le décret du 27 juin dernier vient en préciser les modalités d’application.

Ainsi, alors que les professionnels s’attendaient à un décret « technique » fixant les caractéristiques standards du système à mettre en place, ce décret dispose que « l'assemblée générale décide des moyens et supports techniques permettant aux copropriétaires de participer aux assemblées générales par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique ainsi que des garanties permettant de s'assurer de l'identité de chaque participant. La décision est prise sur la base de devis élaborés à cet effet à l'initiative du syndic ou du conseil syndical. Le syndicat des copropriétaires en supporte les coûts »[3]

Afin de garantir une participation effective des copropriétaires, ces supports devront, a minima, transmettre leur voix et permettre la retransmission continue et simultanée des délibérations.

Le décret précise, en outre,  que le copropriétaire qui émet le désir de participer à l'assemblée générale par visioconférence, par audioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique choisi par le syndicat,  devra en informer, par tout moyen, le syndic trois jours francs au plus tard avant la réunion de l'assemblée générale[4].

La feuille de présence et l’émargement devront tenir compte de cette participation particulière en la précisant. La signature du copropriétaire absent physiquement n’est logiquement pas exigée.[5]

Ce décret fait tout de même preuve de prudence sur l’emploi de ces nouvelles technologies. Ainsi, si des difficultés techniques ont empêché le copropriétaire qui a eu recours à la visioconférence, à l'audioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique de faire connaître son vote, celles-ci devront être mentionnées dans le procès-verbal.

Il appartient donc au syndicat des copropriétaires de fixer les modalités techniques applicables à cette participation électronique à l’assemblée et surtout de supporter ce nouveau coût.

Cette orientation choisie par le gouvernement pose deux difficultés majeures à son application :

  • Les copropriétaires ne sont pas friands de nouvelles charges de copropriété. L’installation d’un tel système risque d’avoir un coût les conduisant à bouder cette innovation.
  • Les grandes enseignes de syndics professionnels vont probablement proposer des systèmes « clés en mains », creusant ainsi le fossé existant déjà entre enseignes et syndics indépendants.


2.)  L’accès à l’extranet sécurisé de la copropriété

La Loi ALUR avait prévu l’obligation faite au syndic professionnel de proposer, au 1er janvier 2015, un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatif à la gestion de l’immeuble[6].

Une dispense avait été prévue, l’assemblée générale pouvant exonérer le syndic à la majorité de l’article 25 de la Loi du 10 juillet 1965.

L’article 205 de la Loi ELAN était venu préciser qu’un décret devrait fixer la liste minimale des documents devant être rendus accessibles.

Ce décret est paru le 23 mars 2019. Il précise qu’à compter du 1er juillet 2020, les syndics devront mettre à disposition des copropriétaires un accès en ligne sécurisé comprenant une liste minimale de documents dont certains ne pourront être accessibles qu'aux propriétaires pris individuellement ou aux membres du conseil syndical[7]. Cette liste peut être complétée par le syndic ou le syndicat[8].

Le décret du 27 juin 2019 vient, pour sa part, spécifier que cet espace en ligne sécurisé devra être rendu accessible aux membres du conseil syndical et aux copropriétaires au moyen d'un code personnel sécurisé garantissant la fiabilité de l'identification des copropriétaires.

Les documents mis à disposition par le syndic dans cet espace devront alors être téléchargeables et imprimables.

Le syndic aura l’obligation d’actualiser, une fois par an dans les trois mois précédant l'assemblée générale annuelle, l'ensemble des documents mis à disposition dans cet espace[9].

3.)  La convocation aux assemblées et la consultation des pièces justificatives

  • L’affichage de la date de l’assemblée

Désormais, la date de la prochaine assemblée générale et les modalités d’inscription d’un ordre du jour complémentaire devront être affichées dans les parties communes.

En effet, le décret du 27 juin 2019 vient préciser que « sans que cette formalité soit prescrite à peine d'irrégularité de la convocation, le syndic indique, par voie d'affichage, aux copropriétaires, la date de la prochaine assemblée générale et la possibilité qui leur est offerte de solliciter l'inscription d'une ou plusieurs questions à l'ordre du jour. L'affichage, qui reproduit les dispositions de l'article 10 (du décret du 17 mars 1967), est réalisé dans un délai raisonnable permettant aux copropriétaires de faire inscrire leurs questions à l'ordre du jour »[10].

Cet affichage devra être fait dans un délai raisonnable et ne sera pas sanctionné s’il fait défaut.

Une lacune du texte doit être soulignée en ce qu’il ne précise pas le lieu de l’affichage.

  • La consultation des pièces justificatives par le locataire

Le nouveau décret apporte une modification importante à l’article 9-1 de la loi du 10 juillet 1965[11].

Désormais, pendant le délai s'écoulant entre la convocation de l'assemblée générale appelée à connaître des comptes et la tenue de celle-ci, le copropriétaire pourra se faire assister par son locataire ou autoriser ce dernier à consulter en ses lieu et place les pièces justificatives de charges récupérables mentionnées à l'article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Il pourra également toujours se faire assister par un membre du conseil syndical et obtenir une copie des pièces justificatives, à ses frais[12].

4.)  La distribution des mandats de vote "en blanc" adressés au syndic.

S’agissant des pouvoirs adressés au syndic sans précision du destinataire, appelés par la pratique « pouvoir en blanc », la Loi ELAN avait codifié une jurisprudence constante datant de 1990.

L’article 211 de la Loi ELAN avait précisé que si le syndic recevait de la part de copropriétaires des mandats dont la désignation du mandataire avait été laissée vierge, il ne pouvait ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu’il choisissait.

Le décret du 27 juin 2019 vient ajouter que le syndic qui reçoit un mandat avec délégation de vote sans indication du nom du mandataire, aura désormais l’obligation de remettre ce mandat en début de réunion au président du conseil syndical afin qu'il désigne un mandataire pour exercer cette délégation de vote.

En l'absence du président du conseil syndical ou à défaut de conseil syndical, le syndic devra remettre ce mandat au président de séance désigné par l'assemblée générale[13]

L’application de cette nouvelle règle risque de poser certaines difficultés dans la mesure où il va être délicat de donner des mandats de vote à un président de séance dont la désignation nécessite, dans la pratique, la prise en compte desdits mandats de vote.

5.)  La dématérialisation des documents au sein de la copropriété

  • L’accord du copropriétaire pour la dématérialisation peut être partiel

La loi ALUR [14]avait prévu que les notifications et mises en demeure, sous réserve de l'accord exprès des copropriétaires manifesté selon un modus operandi précis, pouvaient valablement être faites par voie électronique[15].

Le décret du 27 juin 2019 ajoute que cet accord exprès doit préciser s'il porte sur les notifications, les mises en demeure ou les deux.

Ainsi s’il est formulé lors de l'assemblée générale, cet accord doit être mentionné sur le procès-verbal. Il peut également être adressé à tout moment au syndic par tout moyen conférant date certaine[16]

En outre, le copropriétaire peut à tout moment retirer son accord exprès selon les mêmes formes que celles prévues à l'article 64-1, c’est-à-dire le courrier recommandé classique ou la lettre recommandée électronique (LRE)

Si cette décision est formulée lors de l'assemblée générale, le syndic en fait mention sur le procès-verbal.
Cette décision prendra effet le lendemain du huitième jour suivant la réception par le syndic de l'information adressée selon les modalités mentionnées au deuxième alinéa de l'article 64-1

  • Les appels de fonds peuvent être expédiés par courriel

Au-delà des documents classiquement visé par cette communication électronique, le décret du 27 juin 2019 vient préciser que l’avis indiquant le montant de la provision exigible, pour l'exécution du budget prévisionnel, ainsi que celui indiquant le montant de la somme exigible et l'objet de la dépense, pour les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel (Appels des fonds) peuvent être adressés par le syndic à chaque copropriétaire par lettre simple ou par message électronique, sous réserve de l’accord exprès desdits copropriétaire[17].

Attention, il s’agit d’un simple message électronique (courriel) et non d’un recommandé électronique.

  • Les pièces annexes à la convocation peuvent être mises à disposition sur l’extranet

Information particulièrement importante, le décret du 27 juin 2019 indique que lorsque la copropriété est dotée d'un espace en ligne sécurisé, la notification des documents mentionnés à l'article 11 du décret du 17 mars 1967, c’est-à-dire l’ensemble des pièces devant être communiquées en même temps que la convocation à peine d’irrégularité des décisions prises, pourra être régulièrement faite par le biais d'une mise à disposition dans un espace du site dont l'accès est réservé aux copropriétaires.

Le copropriétaire devra, bien entendu, manifester son accord.

La convocation devra en outre expressément mentionner que ces documents annexes sont accessibles en ligne et la durée de leur mise à disposition[18] .

6.) L’exception de nullité tirée du défaut d’habilitation du syndic à agir en justice ne pourra être invoquée que par les copropriétaires.

L’article 55 du décret du 17 mars 1967 précise que « Le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision d’assemblée générale. »

Une telle autorisation pour être valable se doit d’indiquer :

  • La nature de la procédure autorisée.
  • Les personnes concernées.
  • L’objet de la procédure.

Le défaut d’autorisation du syndic d’agir en justice au nom du Syndicat des copropriétaires constitue une irrégularité de fond, qui a pour conséquence en application de l’article 117 du code de procédure civile, la nullité de l’assignation et l’irrecevabilité de l’action.

Régulièrement les personnes physiques ou morales assignées par le syndicat argué d’un défaut d’habilitation du syndic et donc d’une nullité de l’assignation pour tenter d’échapper à leur responsabilité.

Cette situation était particulièrement fréquente en matière d’assurance notamment d’assurance construction dans les immeubles neufs.

Le décret du 27 juin 2019 innove d’une façon majeure puisque désormais « seuls les copropriétaires auront la possibilité de se prévaloir de l’exception de nullité de l’absence d’habilitation du syndic à agir en justice. »

Ce nouveau texte est appelé à avoir un retentissement procédural majeur.

7.)  L’accès aux parties communes des immeubles par les huissiers de justice.

L’article L116-6-6 du Code de la construction et de l’habitation est rédigé comme suit :

« Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic permet aux huissiers de justice d'accéder, pour l'accomplissement de leurs missions de signification ou d'exécution, aux parties communes des immeubles d'habitation. 
Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ».

Toutefois, à défaut de décret cette disposition était en réalité inappliquée et inapplicable.

La loi ELAN qui ambitionnait de pallier ces insuffisances, entendait, en son article 123 compléter l’article L 116-6-6 du Code de la construction et de l’habitation en y insérant l’alinéa suivant :

« Les huissiers de justice ont accès aux boites aux lettres particulières selon les mêmes modalités que les agents chargés de la distribution au domicile agissant pour le compte des opérateurs mentionnés à l’article L111-6-3 ». A savoir, les facteurs.

Toutefois le Conseil constitutionnel, a par deux décisions du 15 novembre 2018[19], censuré cette disposition en raison de l’inconstitutionnalité de sa procédure d’adoption. Le même raisonnement a été tenu relativement à la loi de programmation de la justice qui reprenait cette disposition.

Ainsi concernant l’accès aux autres parties communes, le dispositif de l’article L116-6-6 restait donc en vigueur et devait être suivi d’un décret d’application.

C’est désormais chose faite puisque le décret du 27 juin 2019 apporte les précisions nécessaires.
 
Ainsi :

  • Lorsque les parties communes d'un immeuble d'habitation ne sont pas accessibles librement depuis la voie publique, l'huissier de justice, ou le clerc assermenté, devra adresser, par tout moyen, une demande d'accès à celles-ci au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné en justifiant de son identité, de sa qualité professionnelle ainsi que de la mission de signification ou d'exécution qui lui a été confiée[20];
  • Le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné, devra remettre à l'huissier de justice ou au clerc assermenté un moyen matériel d'accès aux parties communes ou lui adresser les codes lui permettant d'y accéder pour l'accomplissement de sa mission de signification ou d'exécution. Cette remise doit intervenir dans un délai maximal de cinq jours ouvrables à compter de la réception de la demande, contre récépissé ou par tout autre moyen propre à établir la preuve de la remise ou de la transmission et la date à laquelle celle-ci a eu lieu[21];
  • Lorsqu'un moyen matériel d'accès aux parties communes lui a été remis, l'huissier de justice ou le clerc assermenté doit le restituer, sans délai et contre récépissé, au propriétaire ou, en cas de copropriété, au syndic représentant le syndicat des copropriétaires concerné, après accomplissement de sa mission de signification ou d'exécution[22]


Le syndic doit donc déférer à la demande qui lui serait adressée et ce dans les 5 jours.

Les membres du Cabinet NAUDIN se tiennent à votre disposition pour, forts de leur expertise en la matière, vous assister dans l’analyse d’une telle situation.

 
[1] JORF n°0272 du 24 novembre 2018
[2] L. n° 65-557 du 10 juillet 1965, art 17-1 A
[3] D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 13-1, nouv.
[4] D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 13-2, nouv.
[6] L. n °65-557, 10 juillet 1965, art. 18-I-10ème
[7] D. n° 2019-502, 23 mai 2019, art. 4, II
[8] Cf notre Newsletter du 27 mai 2019
[9] D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 33-1-1, nouv.
[11]Créé par le décret n°2015-1907 du 30 décembre 2015
[13] D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 15-1, nouv
[14] L. n° 2014-366, 24 mars 2014, JO 26 mars
[18] D. n° 67-223, 17 mars 1967, art. 64-5, nouv.
[19] n°2018-772 DC et du 21 mars 2019 n°2019-778 DC,
[20] CCH, art. R. 111-17-1, nouv.
[21] CCH, art. R. 111-17-2, nouv.
[22] CCH, art. R. 111-17-3, nouv.
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