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Garantie décennale, assurance décennale et action directe du maître d'ouvrage.

Au terme des articles 1792 et suivants du Code Civil, la personne, physique ou morale, qui fait réaliser des travaux par une entreprise sur des biens immobiliers dispose de trois types de garanties : une garantie de parfait achèvement pendant l'année qui suit la réception des travaux, une garantie biennale dite garantie de bon fonctionnement qui peut être mise en œuvre pendant deux ans à compter de la réception des travaux et une garantie décennale qui couvre les dommages plus importants affectant l’ouvrage.

 

 La garantie décennale ne peut être mise en œuvre que si le désordre est affecté de l’un des critères de gravité suivants prévus par l’article 1792 du Code civil :

 

  • Affectation de la solidité de l’ouvrage
  • Impropriété à sa destination
  • Affectation de la solidité d’un élément d’équipement indissociable.

 

La loi n° 78-12, du 4 janvier 1978 dite LOI SPINETTA a créé un mécanisme d'assurance obligatoire à double détente constitué par une assurance dommages-ouvrage, dite de préfinancement, et l'assurance responsabilité civile (RC) décennale.

 

En cas de survenance d'un désordre couvert, l'assureur dommages-ouvrage doit proposer une indemnisation à l'issue d'un processus amiable et rapide de règlement du sinistre. L'assureur dommages-ouvrage, qui indemnise son assuré, est subrogé dans les droits de ce dernier pour exercer un recours contre les constructeurs responsables ou leurs assureurs RC décennale.

 

L’assurance dommages-ouvrage est souscrite par le maître d’ouvrage qui en est le bénéficiaire alors que l’assurance RC décennale est souscrite par l’entrepreneur.

 

L’entrepreneur a assujetti, au terme de l’article L243-2al1 du code des assurances, à une obligation d’assurance RC décennale. Une attestation d’assurance est d’ailleurs délivrée par l’assureur RC décennale, afin que la réalité de la souscription puisse être vérifiée par le maître d’ouvrage.

 

La période légale d'application de cette garantie obligatoire suivra le même sort juridique dans le temps que cette responsabilité ; ainsi, la durée de la garantie débute à la date de la réception des travaux (Cass. 3e civ., 11 mai 2000 : Bull. civ. 2000, III, n° 101) pour s'achever à l'expiration du délai de dix ans fixé par l'article 2270 du Code civil (Cass. 3e civ., 17 juill. 1992, n° 88-13.699 : JurisData n° 1992-001765 ; Resp. civ. et assur. 1992, comm. 456 ; RGAT 1992, p. 887, note H. Périnet-Marquet ; Bull. civ. 2005, III, n° 13).

 

Le maître d’ouvrage, bénéficiaire de la garantie décennale mais tiers au contrat d’assurance RC Décennale, dispose d’une action directe contre cet assureur car il dispose d’un privilège sur l’indemnité d’assurance (Art L12461 à L124-5 du Code des assurances)

 

Cette action directe  du tiers-victime/maître d’ouvrage exercée à l'encontre de l'assureur de responsabilité décennale se prescrit par le même délai que celui de l'action de la victime contre le responsable (Cass. 1re civ., 4 févr. 2003, n° 99-15.717 ; JurisData n° 2003-017455 ; Bull. civ. 2003, I, n° 36 ; RGDA 2003, p. 344, note L. Mayaux ; RTD civ. 2003, p. 298, chron. J. Mestre et B. Fagès et, même revue p. 512, chron. P. Jourdain)

 

Ainsi l’action directe du maître de l’ouvrage contre l’assureur de responsabilité civile décennale se prescrit dans le même délai que son action contre l’assuré, soit dans un délai de dix années à compter de la réception de l’ouvrage.

 

Cette action directe peut cependant être prolongée  tant que l'assureur reste exposé au recours de son assuré (Cass. 1re civ., 11 mars 1986, n° 84-14.979 : JurisData n° 1986-700464 ; Bull. civ. 1986, I, n° 57 ; RGAT 1986, p. 354, note J. Bigot)

En application de l’article L. 114-1 du code des assurances, ce délai de 10 années pourra donc exceptionnellement être « augmenté » de deux années à la double condition que :

  • L’entrepreneur assuré ait été mis en cause préalablement à l’expiration du délai décennal,
  • L’action directe ait précisément été mise en oeuvre dans un délai de deux ans à compter de cette mise en cause


Il en découle que, le maître d’ouvrage peut agir directement à l’encontre de l’assureur :

  • Tout au long du délai pendant lequel il peut agir contre l’auteur du dommage.
  • Au-delà même de ce délai mais à la condition alors que l’assureur soit encore exposé au recours de son assuré (Civ. 1, 7 octobre 1992, inédit titré, n° 90-12629).
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