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Impact de la Loi Egalité et Citoyenneté sur le Droit Immobilier

 

Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, publiée au JO le 28 janvier

 

Cette loi a été élaborée suite aux attentats ayant frappé notre pays en janvier 2015. Elle est composée de 224 articles et vise trois objectifs majeurs :

 

  • Encourager la citoyenneté et l’émancipation des jeunes,
  • Favoriser la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’habitat
  • Renforcer l’égalité réelle.

 

Dans son titre II relatif « la mixité sociale et l’égalité des chances dans l’habitat », cette Loi, devenue « fourre-tout », vient modifier de nombreux pans du droit immobilier et plus particulièrement de la gestion immobilière.

 

S’y trouve ainsi abordés successivement :

 

  • Le logement social
  • Les baux d’habitation
  • Le statut de la copropriété
  • Le Conseil National de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI).

 

  • Le Logement social :

 

C’est probablement sur ce point que la Loi Egalité Citoyenneté est la plus novatrice.

 

En effet, cette Loi réforme intégralement la procédure et la politique d’attribution des logements sociaux.

Sont ainsi adoptées « des mesures structurantes dans le domaine du logement pour favoriser le vivre-ensemble et lutter  contre les phénomènes de ségrégation territoriale et de ghettoïsation de certains quartiers ».

Trois axes se dessinent :

  • Les condition d'attribution du logement social
  • La politique des loyers dans le parc social existant
  • Les modification de la Loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000

Le législateur engage donc « des mesures structurantes dans le domaine du logement pour favoriser le vivre-ensemble et lutter contre les phénomènes de ségrégation territoriale et de « ghettoïsation » de certains quartiers » (Mme E.COSSE)

Parmi ces mesures, il convient de retenir :

  • 25% des attributions en-dehors des quartiers en politique de la ville devront bénéficier aux 25% de ménages les plus pauvres. Il s’agit ici d’offrir à chacun la possibilité de choisir son lieu d’habitation en favorisant la mixité sociale.

 

  • obligation pour l’ensemble des réservataires de logement de consacrer 25% de leurs attributions aux publics prioritaires.

 

  • mise en place d’une nouvelle politique des loyers.

 

  • obligation de transparence au niveau des critères d’attributions mais également en publiant la liste des logements vacants.

 

  • renforcement des obligations en matière de production de logements sociaux dans les communes où la demande est importante et qui, parfois depuis de très nombreuses années, tentent par tous moyens de s’exonérer de leurs responsabilités et de la solidarité nationale.

C’est sur ce dernier point que la Loi Egalité et Citoyenneté vient interagir avec l’article 55 de la Loi SRU du 13 décembre 2000.

Rappelons que ce texte imposait la construction de 20/25 % de logements sociaux dans certaines agglomérations. Or beaucoup d’entre-elles, peu soucieuses de cet impératif, ne le respectaient pas.

La Loi Egalité et Citoyenneté vient donc renforcer les conditions d’application de la loi SRU en offrant un ciblage plus précis des communes objets de cette obligation.

Ainsi ce pourcentage deviendra strictement impératif dans les communes où la demande en logement social est forte et l’offre moindre par contre seront exemptées les communes où la situation du marché du logement ne justifie pas une forte politique locative sociale.

Pour assurer ces objectifs, cette Loi prévoit d’augmenter les moyens donnés à l’Etat, de renforcer les sanctions des communes ne respectant pas les taux fixés…

 

  • Les baux d’habitation

La Loi Egalité et Citoyenneté vient, dans ce domaine très précis des baux d’habitation, apporter deux nouveautés concernant le cautionnement et la procédure d’expulsion locative.

Le cautionnement est considérablement simplifié. En effet, désormais, les personnes morales qui se portent caution – dont les sociétés civiles immobilières (SCI) familiales – n’auront plus à rédiger la fameuse mention manuscrite. Ce formalisme ne s’impose donc plus qu’aux particuliers.

Au surplus, la procédure d’expulsion locative qui jusqu’alors ne visait que le « local affecté à l’habitation principale » est désormais étendue à « tout lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef »

Il est a noté que le Conseil constitutionnel a censuré, dans sa décision en date du 26 janvier 2017, la première version de la Loi adoptée par les députés le 22 décembre 2016 et qui ouvrait la faculté, pour le propriétaire, de résilier de plein droit le bail, en cas de condamnation du locataire (ou de l’un des occupants du logement) pour trafic de stupéfiants.

  • Le Statut de la Copropriété des immeubles bâtis

Première nouveauté retentissante en matière de copropriété, l'article 10-1 de la Loi du 10 juillet 1965 est modifié.

En effet, certains actes du syndic en matière de recouvrement vont faire l'objet, selon décret à intervenir d'un plafonnement des honoraires.

Sont ainsi visés les prestations de mise en demeure et de relance après mise en demeure ainsi que l’établissement de l'état daté à l'occasion de la mutation à titre onéreux d'un lot ou d'une fraction de lot.

 

De plus, l'article 122 de la Loi Egalité et Citoyenneté  amende certaines dispositions de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), relatives aux procédures de mandat ad hoc et d'administration provisoire applicables aux copropriétés en difficulté.

 

Ainsi, désormais:


-  l'administrateur judiciaire, et le syndic provisoire,  pourront avancer des fonds au syndicat de copropriétaires lorsque celui-ci est sous administration provisoire ;


- Le préfet, le maire ou le Président de l'EPCI seront informés d'une demande émanant du syndic  et visant la  désignation d'un mandataire ad hoc ;


- L’administrateur provisoire pourra, passé un délai de cinq années à compter de l’issue de sa mission, être désigné́ syndic de la copropriété́ administrée ;

 

 - Le juge statuant en référé pourra, sur demande de l'administrateur provisoire, proroger les suspensions et les interdictions qu'emporte l'ordonnance de désignation de l'administrateur provisoire.

Au surplus, cette loi introduit un nouvel article 4-3 dans la loi "Hoguet" du 2 janvier 1970 qui cadre et limite le devoir de confidentialité des syndics notamment à l'égard des copropriétaires :

 

« Sous réserve des dispositions leur imposant la divulgation de certaines informations, les personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi et, lorsqu’il s’agit de personnes morales, leurs représentants légaux et statutaires respectent la confidentialité des données dont elles ont connaissance dans l’exercice de leurs activités. Ce principe ne fait pas obstacle à la communication aux copropriétaires de tout élément nécessaire au bon fonctionnement du syndicat [...]. » 

 

La loi consacre donc le droit du copropriétaire à pouvoir réclamer des informations concernant les liens éventuels qui peuvent exister entre le syndic et une société ou établissement bancaire qui réalisera des services au bénéfice de la copropriété.

 

Autre apport de la loi, il est prévu la possibilité pour le notaire d'accéder à l'ensemble des données du registre figurant au registre d'immatriculation des syndicats de copropriétaires, afin de leur permettre de réaliser le document que doit fournir le copropriétaire vendeur au plus tard avant la promesse de vente.

 

L’article L711-3 du code de la construction et de l’habitation se voit donc enrichi de la disposition suivante :

 

« Pour faciliter l’information des acquéreurs de lots de copropriété et accomplir la mission qui leur est confiée en application de l’article L. 711-5, les notaires ont accès à l’ensemble des données du registre mentionné au premier alinéa du présent article. »

Enfin, et cette précision est d’actualité, la Loi Egalité et Citoyenneté tente d’apporter certains éclaircissements relatifs à l’entrée en vigueur de l'obligation d'immatriculation des syndicats de copropriétaires.

Elle précise ainsi que ces dates s’apprécient  uniquement en fonction du nombre de lots à usage de logements, de bureaux, de commerces. Les caves, parkings ou boxes ne sont donc pas à prendre en considération.

  • Le Conseil National de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI)

L’article 124 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté modifie plusieurs articles de la loi « Hoguet » du 2 janvier 1970.

Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières ( CNTGI) devient ainsi l'unique organe de régulation des professionnels régis par la loi « Hoguet » qui participeront à son financement par le paiement d'une cotisation.

Les changements opérés portent essentiellement sur le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI) qui cumule désormais les fonctions de déontologie, conseil, contrôle et discipline pour les professionnels régis par la loi « Hoguet ».

 

Ainsi, la commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, créée par la loi ALUR, disparaît au profit du CNTGI.

C’est donc au CNTGI que le rôle de la commission incombera. C’est lui qui assumera les fonctions de contrôle et de discipline originairement dévolues à la commission, dans les conditions fixées un décret en Conseil d’État à paraître.

 

Il appartiendra donc à ce conseil de :

 

  • Connaitre de l’action disciplinaire exercée en cas de négligence grave ou de manquements aux lois, aux règlements et aux obligations fixées par le code de déontologie commis par des professionnels soumis à la loi « Hoguet ».

 

  • Créer et tenir à jour un répertoire des personnes sanctionnées, avec l’indication des sanctions exécutoires.

 

Le CNTGI se voit aussi profondément restructuré dans son organisation et son fonctionnement.

 

Ainsi le CNTGI statuera en formation collégiale, sauf en matière de sanctions disciplinaires où il statuera en formation restreinte.

Le collège du CNTGI comprend 21 membres  (1 magistrat de l’ordre judiciaire en activité ou un magistrat honoraire, 7 personnes exerçant les activités mentionnées à l’article 1er de la loi « Hoguet », choisies en veillant à assurer la représentativité de la profession, sur proposition d’un syndicat professionnel ou d’une union de syndicats professionnels, au sens des articles L. 2133-1 et L. 2133-2 du code du travail, représentatifs des personnes régies par la loi de 1970, 5 personnes ayant cessé d’exercer ces mêmes activités depuis au moins 2 ans à la date de leur nomination, choisies dans les mêmes conditions, 5 représentants des consommateurs choisis parmi les associations de défense des consommateurs œuvrant dans le domaine du logement, agréées en application de l’article L. 411-1 du code de la consommation , 3  personnalités qualifiées dans le domaine de l’immobilier, notamment en droit des copropriétés ou de l’immobilier, dont l’une est désignée présidente du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières.)

Le président et les membres du collège sont nommés par arrêté conjoint du garde des Sceaux, ministre de la justice, du ministre chargé du logement et du ministre chargé de la consommation. Des suppléants du même sexe que les titulaires sont nommés dans les mêmes conditions et l’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes ne peut être supérieur à un dans le collège et dans chaque catégorie de personnes ainsi définie.

 

Les membres du collège sont nommés pour une durée de 3 ans renouvelable.

 

En matière de sanctions disciplinaires, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières statue en formation restreinte.

 

Celle-ci est composée d’1 magistrat de l’ordre judiciaire qui en est le président, de 3membres élus parmi les cinq personnes ayant cessé d’exercer, d’1 membre élu parmi les cinq représentants des consommateurs et d’1 membre élu parmi les 3 personnalités qualifiées dans le domaine de l’immobilier.

 

Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières disposera également d’un service chargé de procéder aux enquêtes préalables à l’ouverture des procédures disciplinaires. Ce service est dirigé par le président du CNTGI et composé d’enquêteurs habilités par ce dernier. 

 

L’article 13-1 de la loi « Hoguet » précise désormais que le CNTGI est une autorité publique dotée de la personnalité morale. Il pourra donc ester en justice mais aussi y être attrait. S’agissant d’une autorité publique, le juge compétent est, en principe, le juge administratif.

 

Le CNTGI nouvelle version se rapproche donc très fortement d’un ordre professionnel à part entière

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