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La Location meublée saisonnière de type AIR BNB en Copropriété

 

La location meublée saisonnière s’entend des locations de courtes durées conclues essentiellement dans un but de loisirs. Elles peuvent être conclues directement de particulier à particulier ou par l'intermédiaire d'un professionnel ou d’une plateforme.


Contrairement aux baux d'habitation classiques, soumis à la loi du 6 juillet 1989, la location saisonnière n'est régie que par le Code civil (article 1713 et suivants).


Deux situations peuvent se présenter :

  • La location meublée saisonnière d’une résidence principale.
  • La location meublée saisonnière d’une résidence secondaire.


  • La location meublée saisonnière d’une résidence principale

Selon l’article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, la résidence principale peut se définir comme le logement occupé au moins 8 mois par an, sauf pour des raisons professionnelles, de santé ou en cas de force majeure, soit par le locataire ou la personne avec laquelle il vit, soit par une personne à charge.


La location de cette résidence principale à des touristes et ce par le biais d’une plateforme internet, de type Airbnb, est totalement possible, sans formalités imposées au bailleur, dès lors que cette location n’excède 120 jours (article L631-7-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation.)


Si la location dépasse ce seuil, le bailleur aura pour obligation d’obtenir une autorisation de changement d’usage et l’activité pourra être considérée comme commerciale.

 
J’attire votre attention sur le fait que depuis la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016, toutes les communes et ce quelques soient leur taille peuvent instituer une procédure de déclaration préalable, avec un service d’enregistrement en ligne pour toutes les locations meublées de courte durée, y compris celles portant sur la résidence principale (article L324-1-1, II du Code du tourisme).


Cette déclaration permet d’obtenir un numéro d’enregistrement qui doit figurer sur toutes les annonces de location du logement, y compris celles publiées en ligne.


  • La location meublée saisonnière d’une résidence secondaire


Une résidence secondaire se définit donc comme une résidence occupée moins de 8 mois par an.
Depuis la Loi ALUR du 24 mars 2014, « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation, (et résidence secondaire), de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage “ ».


Dans certaines villes, cette activité nécessite l’obtention préalable d’une autorisation de la mairie pour louer une résidence secondaire (Art. L631-7-1 alinéa 5 du Code de la construction et de l’habitation), à savoir les villes :


  • de plus de 200.000 habitants ;
  • de la petite couronne parisienne (départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne) ;
  • de plus de 50.000 habitants comportant des zones dites « tendues » (déséquilibre entre l’offre et la demande).


Une fois l’autorisation obtenue, elle ne va plus être considérée comme un logement d’habitation mais comme un local commercial.
 
En tout état de cause la déclaration en mairie sus évoquée s’impose.


Au terme de l’article 9 de la Loi du 10 juillet 1965, « Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ».
Ainsi s’agissant de la location d’un lot au sens générique, les copropriétaires qui peuvent consentir sur leurs lots des actes de disposition peuvent, a fortiori, les donner en location. Toute clause du règlement de copropriété qui aurait pour résultat d'apporter des restrictions à ce droit doit, en principe, être réputée non écrite. Tel est, par exemple, le cas de la clause subordonnant la conclusion du bail à l'autorisation du conseil syndical (CA Lyon, 22 janv. 1969  : AJPI 1969, p. 418, note Bouyeure).
 
 
 En application de l’article 9 sus cité et de l’alinéa 2 de l’article 8 de cette même Loi, la destination de l'immeuble peut justifier des clauses restrictives du règlement de copropriété.
 Ainsi, le caractère d'immeuble de luxe peut légitimer la clause interdisant la location des chambres de service à des personnes étrangères à la copropriété (CA Paris, 14 nov. 1997  : JurisData n° 1997-023438  ; Loyers et copr. 1998, comm. 110).


Ainsi, la pratique de la location meublée saisonnière au sein d’une copropriété, nécessite d’aborder successivement deux points fondamentaux :


  • Le règlement de copropriété et sa définition de la destination de l’immeuble.
  • Le trouble anormal de voisinage et l’atteinte à cette destination.


a.)    Sur les clauses du règlement de copropriété et la destination de l’immeuble :


Le règlement de copropriété peut prévoir plusieurs types de stipulations s’agissant d’une telle activité.
Si le règlement demeure taisant, il est essentiel d’examiner si l’activité est conforme à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires.


1ère Hypothèse : Une stipulation du règlement est relative à ce type de location :


Le règlement de copropriété peut prévoir dans ses stipulations l’interdiction expresse de l’exercice de l’activité de locations meublées de courtes durées ou tout du moins la restreindre.


Toutefois, il convient de souligner que ce même règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble (article 8 loi 10 juillet 1965).


La Cour de cassation a ainsi rappelé dans un arrêt du 8 juin 2011, (Cass Civ 3ème 8 juin 2011 n°10-15891) que « devait être réputée non écrite la clause du règlement de copropriété soumettant la possibilité de louer son lot en meublé à l’autorisation de l’assemblée générale dès lors que l’exercice de professions libérales était permis expressément dans l’immeuble. »


Elle a ainsi reconnu que ces deux activités entraînaient des nuisances identiques et qu’en conséquence une telle restriction à la location meublée n’était pas justifiée par la destination de l’immeuble.
Partant, une clause interdisant purement et simplement les locations meublées sans qu’elle puisse être justifiée par le respect de la destination de l’immeuble serait illicite.


Il a ainsi été jugé qu’une clause, qui dans un immeuble de grand standing interdisait la location de chambres de service à des personnes étrangère à la copropriété était licite (CA PARS pôle 4, 2ème Ch 15 mai 2013 : Jurisdata n°2013 008963).


Le règlement de copropriété peut prévoir, en outre, une « clause d’habitation bourgeoise exclusive », cette clause réserve l’usage de l’immeuble entièrement à l’habitation, rendant ainsi toute activité professionnelle incompatible avec la destination de l’immeuble.


La location meublée saisonnière semble y être proscrite.
 
 
Plus fréquemment, le règlement peut prévoir une « clause d’habitation bourgeoise dite ordinaire », selon laquelle, en principe, les activités libérales et habitation sont autorisées au sein de l’immeuble.
Enfin cette clause d’habitation peut être à usage mixte, permettant l’activité commerciale sous réserve de respecter l’affectation des lots.


Dans ces deux hypothèses, la jurisprudence avait tout d’abord admis l’activité de location de meublés touristiques
Cependant, dans des décisions récentes, cette même jurisprudence a évolué.


Ainsi, dans sa décision du 11 septembre 2013 (11/12572), la Cour d’Appel de PARIS a retenu la nature commerciale de la location saisonnière.


En l’espèce, le règlement de copropriété prévoyait une clause d’occupation bourgeoise.


La Cour devait considérer que cette restriction n’interdisait pas de louer l’appartement en dehors de toute activité de louer professionnel.


Cependant pour cette juridiction, la location saisonnière, du fait de sa courte durée et de son exercice à titre commercialest un mode de location incompatible avec la clause d’occupation bourgeoise. Soulignons, tout de même, que dans cette espèce très précise, l’activité de location saisonnière était exercée quasi professionnellement.


Dans une décision très récente, la Cour de Cassation est venue, à son tour, se prononcer sur ce sujet très précis.
Ainsi dans son arrêt du 8 mars 2018, (n°14-15.864) la Cour de Cassation a retenu que les locations de meublés touristiques ne correspondaient pas à la destination d’un immeuble à usage mixte professionnel/habitation.


Dans cette espèce, la Cour de cassation était saisie de la question de savoir si les clauses d’un règlement de copropriété relatives à la destination de l’immeuble pouvaient faire obstacle au droit d’un copropriétaire sur ses parties privatives et plus particulièrement sur sa capacité à les transformer librement en meublés de tourisme.


La Cour de Cassation retient que« (…) attendu qu'ayant retenu qu'il résultait des stipulations du règlement de copropriété que l'immeuble était principalement à usage d'habitation, avec possibilité d'usage mixte professionnel-habitation et à l'exclusion de toute activité commerciale, ce qui privilégiait son caractère résidentiel qui était confirmé, dans sa durée et sa stabilité, par l'obligation pour le copropriétaire d'aviser le syndic de l'existence d'un bail et constaté que (les bailleurs) avaient installé dans les lieux des occupants, pour de très brèves périodes, ou même des longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit que ces rotations des périodes de location ne correspondaient pas à la destination de l'immeuble, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »


Cette décision conforte l’évolution de la jurisprudence tendant vers une appréciation stricte de la conformité de ces locations avec les clauses du règlement de copropriété et la destination de l’immeuble.
 
 
 
 
2nde Hypothèse : Le règlement de copropriété est taisant


Si le règlement n’interdit pas expressément cette activité, le propriétaire qui exerce ou entend exercer l’activité de location meublée de courte durée est tenu de respecter la tranquillité de l’immeuble, les droits des autres copropriétaires, et la destination de l’immeuble.


Cette activité, si elle était dans de telles circonstances, nuisibles aux autres copropriétaires seraient génératrice d’un trouble anormal de voisinage.


b.)    La location saisonnière de courtes durées et le trouble anormal de voisinage.


En tout état de cause et même si le règlement de copropriété n’interdit pas cette activité, la pratique de la location meublée saisonnière en copropriété nécessite de veiller au respect de la tranquillité de l’immeuble et de l’ensemble des autres copropriétaires.


L’article 544 du Code Civil consacre que :


« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »


De plus, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 dispose :


« Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. »


A ce titre la Cour de Cassation rappelle régulièrement que « nul ne doit créer à autrui de trouble anormal de voisinage. » (Cass Civ 2éme 19 novembre 1986 ; Cass Civ 3éme 30 juin 2004 ; Cass Civ 2éme 2 avril 2009).
La Cour de Cassation a récemment consacré définitivement le droit du syndicat à agir à l’encontre d’un copropriétaire sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage (Cass Civ 3ème 11 mai 2017 n°16-14339).


Les tribunaux ont souvent reconnu l’existence d’un trouble anormal de voisinage pour condamner certains copropriétaires, et ce, quels que soient l’affectation et l’usage de leurs lots.


 Il a été, par exemple, jugé que :


« Il en découle que dans l’usage de leurs lots, les copropriétaires (ou leurs locataires) doivent impérativement s’abstenir de tout acte générateur de trouble de voisinage. » (Cass Civ 3ème 24 octobre 1990).
« Une activité, même autorisée et conforme à la destination de l’immeuble telle que prévue dans le règlement, ne doit pas être source de nuisances ou de troubles anormaux de voisinage » (Cass Civ 3ème civ 19 octobre 2010).
« Constituent ainsi des troubles anormaux de voisinage : le bruit excessif, les troubles phoniques et olfactifs résultant de la transformation du lot en cuisine. » (Cass Civ 3ème 17 janvier 1996).
 
 
 
 Retenons à titre d’illustration, que dans un arrêt du 21 mai 2014, la Cour d’Appel de Paris avait ainsi condamné le propriétaire d’un appartement à payer au syndicat la somme de 7000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des troubles anormaux de voisinage occasionnés par son locataire.


Il est cependant important de souligner que le syndicat ne peut mener une telle action que s’il rapporte la preuve que l’ensemble des copropriétaires est affecté par ce trouble ce qui en matière de location meublés de courtes durées peut s’avérer difficile.


Le copropriétaire peut également agir seul dès lors que son seul lot est affecté par ledit trouble (CA PARIS 15 juin 2016 n°15/18917).
 
Il est donc essentiel en la matière et préalablement à toute prise de position d’examiner scrupuleusement le règlement de copropriété afin d’examiner si les clauses de ce document sont compatibles avec une activité de location de meublé(s) de courte durée.


Si tel était le cas, cette activité doit néanmoins ne pas être génératrice de troubles.


Les membres du Cabinet NAUDIN se tiennent à votre disposition pour, forts de leur expertise en la matière, vous assister dans l’analyse d’une telle situation.
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