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Le droit des baux et de la vente en quelques jurisprudences récentes



1. PANDEMIE DE COVID-19 ET BAUX COMMERCIAUX

Depuis la crise sanitaire du coronavirus, de nouvelles et nombreuses interrogations juridiques ont été soulevées avec l’adoption d’un corpus de textes pris par voie d’ordonnance destinés à gérer l’urgence sanitaire qu’on dénomme la Lex epidemia.

Effectivement, l’on ne saurait nier l’impact néfaste de la pandémie de covid-19 sur l’Economie française avec l’adoption d’une mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public pendant la période de confinement.

Tel est ainsi le cas du sort des baux commerciaux et du paiement de leur loyer pendant l’application des mesures sanitaires gouvernementales.

Précisément, certaines juridictions de premiers et seconds degrés ont pu se poser la question de savoir si la mesure précitée était de nature à entrainer la perte de la chose louée et ainsi constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.

Une telle affirmation étant de nature à permettre au locataire de se prévaloir de la force majeure pour se dispenser du paiement des loyers.

Par trois arrêts rendus en sa troisième chambre civile (Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.127 [n°605 FS-B] ; Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.190 [n°604 FS-B] ; Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.889 [n°603 FS-D]) la Cour de cassation, au visa de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, des arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé et des articles 1218 et 1722 du code civil est venue définitivement trancher cette question.

Dans son premier arrêt (Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.127 [n°605 FS-B]), la Cour énonce que : « Ayant relevé que les restrictions résultant des mesures législatives et réglementaires prises dans le cadre de la crise sanitaire n'étaient pas imputables au bailleur et n'emportaient pas perte de la chose, la cour d'appel, saisie en référé d'une demande en paiement d'une provision, n'a pu qu'en déduire que l'obligation de payer le loyer n'était pas sérieusement contestable. »

Dans son deuxième arrêt (Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.190 [n°604 FS-B]) la Cour précise que : « Ayant relevé que les locaux loués avaient été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l'impossibilité d'exploiter, qu'elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d'appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution de l'obligation de délivrance. (…)
Dès lors, la cour d'appel a exactement retenu que la locataire, débitrice des loyers, n'était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure. »

Dans son troisième et dernier arrêt (Cour de cassation, 3ème civ., 30 juin 2022, n°21-20.889 [n°603 FS-D]), la Cour expose que : « L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil. (…) Le tribunal a exactement retenu que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n'était pas constitutive d'une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. »

Ainsi, les locataires des baux commerciaux ne sauraient se prévaloir des dispositions de la Lex epidemia pour s’exonérer au titre de la force majeure et/ou de la perte de la chose de leur obligation contractuelle de paiement des loyers.

2. VIOLATION DU CONTRAT DE MANDAT EXCLUSIF

Le mandat exclusif est un contrat particulier par lequel le propriétaire d’un bien confie, en exclusivité la vente dudit bien à un professionnel de l’immobilier, contre le paiement d’une commission.

Les contours de la mission du mandataire ne sont pas toujours détaillés par le contrat et peut être source d’interrogations, notamment lorsqu’il s’agit de déterminer l’existence d’une faute imputable au mandant dans l’exécution de ses obligations contractuelles.
Ce manquement aux obligations contractuelles étant généralement sanctionné par la stipulation d’une clause pénal audit contrat.

C’est ainsi que la Cour de cassation en sa première chambre civile, a dû déterminer si le fait pour le mandant de faire visiter le bien, objet du contrat de mandat exclusif, à de possibles acquéreurs avant de les rediriger vers son mandataire exclusif, était constitutif d’une faute emportant violation dudit mandat et application de la clause pénale, savoir : le versement d’une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue.

Dans un arrêt du 15 juin 2022 (Cour de cassation, 1ère civ., 15 juin 2022, n°20-19.187 [n°506 F-D]), la Cour se prononce de manière tout à fait intelligible sur la question.
Elle énonce, au visa de l’article 9 du mandat exclusif et des articles 1103, 1231-1 et 1231-5 du code civil que : « Ayant relevé que, malgré les termes de l'article 9 du mandat exclusif de vente qui n'avait pas encore été dénoncé, M. et Mme [N] avaient eux-mêmes fait visiter le bien en vente à M. et Mme [B] qui avaient formé une offre d'achat, la cour d'appel en a justement déduit que, nonobstant l'information délivrée à la société Safti quant à l'existence de cette offre, M. et Mme [N] avaient commis une faute en négociant ensuite la vente en violation de la clause d'exclusivité. »

De fait, le fait pour le mandant de faire visiter le bien à de possibles acquéreurs avant de les rediriger vers leur mandataire est constitutif d’une faute emportant la violation du contrat de mandat exclusif et par-là les conséquences qui en découlent, notamment l’application d’une clause pénale stipulée en ce sens.

3.) BAUX d’HABITATION : LE CONGE DONNE EN RAR A-T-IL ENCORE UN INTERET?

La question de la forme du congé en matière de baux d’habitation est un sujet particulièrement sensible.

A ce sujet, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989, repris dans les articles 25-8 et 25-15 relatifs aux baux meublés et mobilités, précise que :

"Le congé doit être notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, signifié par acte d'huissier ou remis en main propre contre récépissé ou émargement. Ce délai court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, de la signification de l'acte d'huissier ou de la remise en main propre".

Il s’en déduit assez aisément que si le courrier Ar n’est pas retiré par son destinataire, le congé n’a pas produit d’effet.

La Cour de Cassation saisie d’une telle question devait rappeler ce principe simple mais évident (Civ. 3ème, 21 sept. 2022, n° 21-17.691, Bull. )

Le recours aux congés délivré par commissaire de justice parait donc salvateur des droits du bailleur.

Articles par Me Anne-Cécile NAUDIN et Melle Alize HOULES

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Après six années de thèse et d’enseignements au sein de différentes universités et établissements d’ingénieurs Me Anne-Cécile NAUDIN est Admise au Barreau de MARSEILLE en 2016.  Me Anne-Cécile NAUD...
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