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Les Grandes réformes de la Loi de Programmation de la justice du 23 mars 2019

La loi de programmation de la justice envisage une réforme profonde de la justice.


Le texte s’articule autour de six axes : simplification de la procédure civile, allègement de la charge des juridictions administratives et renforcement de l’efficacité de la justice administrative, simplification et renforcement de l’efficacité de la procédure pénale, efficacité et sens de la peine, diversification du mode de prise en charge des mineurs délinquants et renforcement de l’efficacité de l’organisation judiciaire, adaptation du fonctionnement des juridictions.
 
 

Les mesures phares  par domaine :


1.) La procédure civile

 
1.) Le développement des modes de règlement amiable des différends


La loi généralise l’obligation préalable de tentative de règlement amiable pour les litiges de faible incidence financière et pour les conflits de voisinage.


En effet, l’article 3 de la loi, développe les modes de règlement alternatifs des différends, en subordonnant à une tentative de règlement amiable préalable la recevabilité de certaines demandes en matière civile. 


À tout moment de la procédure, le juge pourra renvoyer les parties à une médiation.


Tout juge pourra déléguer son pouvoir de conciliation à un conciliateur de justice. Le recours à la procédure participative sera en outre encouragé à tout stade de la procédure.


Cette disposition entrera en vigueur le 1er janvier 2020.


Par ailleurs, les plateformes de résolution des litiges en ligne seront encadrées. Notamment, la loi prévoit de créer un mécanisme de certification permettant notamment d’assurer que ces plateformes ont recours à des conciliateurs, des médiateurs ou des arbitres et que le règlement proposé ne repose pas uniquement sur un algorithme.


Application immédiate mais un décret d’application  est à prendre.


2.) L’harmonisation de la procédure « en la forme des référés » :



L’article 28 de la loi nouvelle prévoit que dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la date de publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaire pour modifier les dispositions visant la procédure « en la forme », « selon la forme », « dans la forme », « comme en la forme », « sous la forme », « comme dans la forme », « comme en matière » du ou des référés, dans l’objectif d’unifier les modes de saisine des juridictions judiciaires et d’harmoniser le traitement des procédures au fond à bref délai ».

 
Ces dispositions sont d’application immédiates.


3.) Les procédures civiles d’exécution
 
 
Afin de décharger le greffe du TI, la loi transfère à la Caisse des dépôts et consignations la répartition des fonds saisis sur les rémunérations.
 

Ainsi la loi nouvelle habilite le Gouvernement à confier à la Caisse des dépôts et consignations la tâche de recevoir et de gérer les sommes issues des saisies des rémunérations ordonnées par le juge et de procéder à leur répartition entre les différents créanciers, et la tâche de gérer les sommes consignées dans le cadre d'une expertise, ordonnée par un tribunal de grande instance déchargeant ainsi les régies des greffes des tribunaux de grande instance, dont ce n'est pas le métier ». (article 13) (Cf. D. 3 avril 2018)


Il crée une juridiction spécialisée dans les injonctions de payer qui traitera sous forme dématérialisée les requêtes. Il s’agit d’une juridiction nationale.


Le retour à l’audience sera possible « si le juge l’estime nécessaire » et à condition que les parties « en fassent la demande ». Même chose pour les délais de paiement. Ce tribunal pourra connaître de ces demandes reconventionnelles « sans nécessairement tenir une audience », sauf si les parties le demandent. Là encore, le juge pourra s’y opposer. (article 27)



L'article 27 entre en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le 1er janvier 2021. (article 109)


4.) L’organisation des juridictions


Actuellement on distingue deux juridictions à savoir le TGI et le TI lesquelles se répartissent les litiges selon leu montant et selon la nature du contentieux.

 
Avec la loi nouvelle, c’est au contraire  la fusion du tribunal d’instance et du tribunal de grande instance  qui est prévue et ce, afin que le justiciable ne connaisse plus qu’une seule juridiction de première instance, avec une seule procédure de saisine. Cette juridiction fusionnée s’appelle le tribunal judiciaire.

 
En pratique, le tribunal d’instance sera une instance détachée du tribunal judiciaire.


Les sites, quant à eux s’appellent les tribunaux de proximité « lorsqu'ils ne sont pas situés sur la même commune que les TGI ».


Ils sont maintenus pour assurer une justice de proximité pour les contentieux du quotidien. Pour optimiser le traitement des contentieux et s’adapter au mieux à la situation de chaque ressort, les chefs de cour pourront, dans les villes où il n’existe actuellement qu’un tribunal d’instance, lui confier d’autres contentieux. 
 

Les tribunaux de proximité sont désormais compétents pour connaître le surendettement, le bail d’habitation, le crédit à la consommation et le contentieux des majeurs protégés.
Ces mêmes tribunaux sont aussi compétents pour les litiges de moins de 10 00 euros, des actions liées au voisinage ou à la vie rurale. Ainsi que le contentieux familial post-divorce.
En outre, le texte prévoit des compétences complémentaires « sur décision du chef de cour après avis des chefs de juridiction ».
 

La fusion du tribunal d’instance et de grande instance s’opèrera à compter du 1er janvier 2020. 


5.) La simplification du régime du divorce


La modification du régime procédural du divorce est opérée afin de répondre au double objectif de simplification du parcours processuel des époux en instance de divorce et de réduction des délais de traitement.

 
Pour ce faire, la phase de conciliation est actuellement prévue à l’article 252 du code civil. Les dispositions actuelles sont fondées sur l'idée générale selon laquelle les parties peuvent trouver, par le dialogue, une solution à leurs différends qui les conduiraient à renoncer au projet de divorcer. Durant cette phase, le juge aux affaires familiales a pour mission de les concilier. Ce n'est que lorsque cette phase n'aboutit pas à une conciliation que le juge, par ordonnance, autorise les époux à demander le divorce.

 
La loi nouvelle supprime cette phase de conciliation.


L’application  de cette disposition est soumise à l’adoption d’un décret d’application pris au plus tard le 1er septembre 2020.
 

6.) Renforcer les droits des majeurs protégés
 
Le nombre de personnes protégées augmentent en raison des évolutions démographiques. Il est nécessaire de faire évoluer un grand nombre de dispositions pour favoriser les droits des majeurs vulnérables.
Le contrôle des actes de tutelle par la justice est parfois perçu comme créant des contraintes excessives et formalistes. Il est important de recentrer les missions de juge sur les points de vigilance essentiels.
Le juge reste le garant de la situation du majeur protégé.


Lorsque plusieurs personnes sont désignées pour exercer la mesure de protection elles seront en principe responsables de la vérification des comptes mais pourront saisir le juge en cas de difficultés. Une vérification par un tiers ne sera nécessaire que lorsque l’importance et la complexité́ du patrimoine le justifieront.


Un certain nombre d’actes de gestion font déjà̀ intervenir un professionnel du droit ou de la finance, comme par exemple l’acceptation d’une succession ou la conclusion d’un contrat de gestion de valeurs mobilières. Dans ces situations, le juge n’interviendra plus qu’en cas de conflits d’intérêts.


Le contrôle des comptes de gestion des majeurs sous tutelle sera adapté. Le juge pourra décider d’une dispense de vérification des comptes quand les revenus ou le patrimoine de la personne protégée sont très modiques, y compris lorsque le tuteur est un professionnel. Il ne sera ainsi par exemple plus nécessaire d’imposer une vérification des comptes pour les personnes âgées quand l’essentiel des revenus sert à payer leur hébergement.


Ces dispositions sont d’application immédiates.


7.) La représentation obligatoire par un avocat

Le gouvernement n’a pas souhaité prévoir une représentation obligatoire par un avocat pour tous les litiges, notamment les litiges de moins de 10 000 euros, afin de préserver l’accessibilité́ de la justice.


La loi étend en revanche la représentation obligatoire pour un certain nombre de contentieux très techniques (contentieux de l’exécution, des baux ruraux, de l’expropriation ou en matière douanière). Dans ces matières l’accompagnement par un professionnel du droit est une condition essentielle de l’effectivité́ du recours au juge.


Devant le juge de l’exécution, cette obligation ne concernera pas les expulsions et les procédures pour des litiges de moins de 10 000 euros.


Ces dispositions s'appliquent aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020. (article 109)



2.) La procédure pénale

 
La réforme par ordonnance de la justice pénale des mineurs est validée, ainsi que la création du parquet national antiterroriste ou encore les mesures d’emprisonnement ferme.


La loi simplifie chaque étape de la procédure :


Elle permet notamment de porter plainte en ligne et de se constituer partie civile par voie dématérialisée. (article 42) Cette disposition étant d’application immédiate.


Au stade de l’enquête, il simplifie les conditions dans lesquelles les officiers et agents de police judiciaire peuvent être habilités à exercer leur compétence sur tout le territoire. (article 47) Cette disposition étant d’application immédiate.


La procédure d’amende forfaitaire est étendue à de nouveaux délits tels que la détention de stupéfiants (article 58, I, 3°) et la vente à la sauvette (article 58, II).


Cependant, le Conseil constitutionnel précise qu’elle ne peut s’appliquer à des délits punis d’une peine d’emprisonnement supérieure à trois ans.

 
Cette disposition étant d’application immédiate.


 
En revanche, les dispositions relatives à  l’inscription au casier judiciaire des amandes forfaitaires pour délits et contraventions de 5e classe, entrera en vigueur 1er juillet 2021.


Une modification de l’échelle des peines :


La loi nouvelle opère une refondation puissante de l'économie du dispositif de sanction et de l'échelle des peines. L'objectif est de rendre effective l'incarcération dès lors que la peine de prison est retenue et de développer les alternatives à cette même incarcération lorsque d'autres solutions s'avèrent préférables en vue de prévenir la récidive, particulièrement pour les courtes peines.
 
Les peines de prison inférieure ou égales à un mois ferme sont prohibées.


Les peines comprises entre 1 et 6 mois d’emprisonnement devront être accomplies en dehors des établissements pénitentiaires classiques.


Les peines comprises entre 6 mois et 1 an devront faire l’objet d’une mesure d’aménagement si la personnalité et la situation du condamné le permettent.


En revanche, les peines supérieures à 1 an devront systématiquement être exécutées en établissement pénitentiaire.


La loi prévoit également d’étendre les peines de travail d’intérêt général. (article 71)


Ces dispositions entrent en vigueur au lendemain de la publication de la loi.

 

3.) La procédure administrative

 
La procédure est repensée à afin d’atteindre les objectifs suivants.


1.) Recourir aux magistrats administratifs honoraires

Les magistrats administratifs honoraires, qui peuvent déjà̀ exercer quelques fonctions juridictionnelles et administratives limitativement énoncées, pourront désormais statuer sur davantage de matières contentieuses, tant au sein de formations collégiales qu’en qualité́ de juge unique. Ils pourront également se voir attribuer des fonctions d’aide à la décision, au sein des tribunaux et des cours administratives d’appel.


Les règles statutaires et déontologiques relatives aux magistrats honoraires sont également renforcées.


Ces dispositions sont d’application immédiates.


2.) Recruter des juristes assistants

Un statut de juriste assistant est créé au sein des juridictions administratives. Ils pourront se voir confier de multiples tâches d’aide à la décision (en particulier des recherches de jurisprudence ou de doctrine), produire des analyses juridiques argumentées et assister les magistrats dans le traitement de leurs dossiers.


Ces dispositions sont d’application immédiates et sont soumises à l’adoption d’un décret.


3.) Renforcer l’effectivité́ des décisions de justice

Il s’agit de renforcer les outils existants afin d’assurer une meilleure exécution des jugements rendus et, par voie de conséquence, diminuer le nombre de recours enregistrés par les juridictions.


Ainsi, une juridiction saisie par exemple d’une demande d’annulation d’une décision administrative, pourra d’office prescrire une mesure d’exécution de sa décision et assortir cette injonction d’une astreinte, sans même avoir été saisie de conclusions en ce sens.


Ces dispositions sont d’application immédiates.


Melle ALLAMELOU Angélique et Me NAUDIN Benjamin
 
 
 
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